Boxer : évolution du Bullenbeisser
Puis vint l’ère du fusil. Le Bullenbeisser, dans son rôle initial, n’avait plus lieu d’être : il fallait maintenant des chiens plus vifs, plus rapides, mobiles, légers… Les chiens d’arrêt et les retrievers allaient commencer une longue carrière auprès des chasseurs européens.
Mais dans le même temps se développa une activité encore plus primaire et sanglante, à laquelle le Bullenbeisser allait pouvoir participer : les répugnants combats d’animaux. Très populaires, les combats opposant des chiens entre eux, des chiens contre des taureaux, “sport” appelé Bull-baiting, ou encore des chiens contre d’autres animaux (du petit rat à l’énorme ours), étaient le centre de gros paris d’argent. L’attrait du jeu et le (mauvais) goût du sang et de la souffrance firent que les combats furent une des rares activités où l’on pouvait voir se mêler le peuple et la noblesse.
Cette mode grandissante provenant de Grande-Bretagne fit la popularité du Bouledogue anglais dans son pays d’origine, et celle du Bullenbeisser outre-Rhin. Ce dernier, qui n’avait pas initialement été sélectionné pour ça, nécessita vite quelques remodelages : il fallait se rendre à l’évidence, son infériorité était probante face à des chiens plus petits et moins puissants certes, mais plus vifs et rapides qu’étaient les races de type Bull-Terrier. En 1835, l’Angleterre interdit les combats de chiens ,et Bouledogue et Bullenbeisser tombèrent quelque peu dans l’oubli. Seules les personnes nécessitant de telles bêtes pour leur activité professionnelle continuèrent encore à les nourrir. C’est le cas notamment des bouchers et des aubergistes, qui trouvèrent dans l’ancêtre du Boxer un excellent chien de garde tant du commerce que de leur propre personne, en particulier quand ils se déplaçaient pour aller sur les marchés. Quelques fermiers les utilisèrent également pour protéger les troupeaux, et bien entendu quelques nostalgiques entreprirent des croisements savants pour les combats clandestins.
Les “vrais cynophiles” s’intéressèrent bien plus, dorénavant, aux races britanniques, qui apparaissent comme bien plus “finies et raffinées”.
Des croisements pour adoucir le caractère
À la fin du XIXe siècle, et en particulier à partir des années 1870, quelques éleveurs voulurent créer une nouvelle race dont les bases seraient le Bullenbeisser. Ce dernier avait besoin, entre autres critères, de gagner en élégance. Les débuts furent particulièrement difficiles, d’autant plus que le Bullenbeisser se faisait rare et que son profil génétique n’était ni fixé ni régulier.
Les premières grandes réussites sont à mettre au profit de trois hommes : Erald Konig et Rudolf Hopner, amateurs d’Airedale-Terriers, et surtout le Viennois Friedrich Roberth. Ce dernier avait également beaucoup travaillé — passionné de cynophilie – sur les sélections d’Airedale-Terriers.
Ces trois hommes affrontèrent de face un problème qui leur avait déjà été posé avec l’Airedale-Terrier : l’agressivité. En effet, ils voulaient croiser le Bullenbeisser et le Bouledogue anglais, qui tous deux, du fait de leur passé, étaient bien loin d’être des enfants de chœur. À l’époque, on parlait même d’éradiquer ces races comme on le fait maintenant avec les fameux Pit-Bull.
Des sélections de Roberth se hissaient des chiens beaucoup plus tendres, dirons-nous, et ce, de génération en génération, ce travail se faisant d’abord uniquement sur le Bullenbeisser. Puis Roberth obtint Mühlbauer’s Flocki, le premier Boxer inscrit au livre des origines allemand, en toute fin de siècle. Il était le fruit du croisement entre le Bullenbeisser et le Bouledogue anglais, respectivement avec la femelle Alt Schockin et le mâle Tom de couleur blanche. Le résultat n’était pas parfait, loin s’en faut, mais c’étaient les premières pierres d’une sélection rigoureuse. En effet, Metavon der Passage, “proche parente” de Flocki, est considérée comme la mère de la race Boxer. Elle était encore du type particulièrement trapu, voire fort, mais a engendré de nombreux champions, dont Hugo von Pfalzgrau, père lui-même du champion Rolf von Vogelsberg, né en 1908 et dont le fils Rolf Wahall fut également un grand chien. Aujourd’hui encore, quelques éleveurs ont la fierté d’avoir du sang de Meta dans leurs lignées.
Précisons ici que ce qu’on appelait Bouledogue anglais de l’époque ressemblait bien plus à un mélange de Bull-Terrier et de Boxer actuels qu’au Bouledogue que nous connaissons, qui semble être fait d’aberrations de la nature.
La naissance du standard
En 1895, le Boxer Klub d’Allemagne est créé.
En 1896, c’est la première fois qu’une exposition canine est ouverte aux Boxers qui s’y présentent d’ailleurs en assez grand nombre. Le juge, qui n’est autre qu’Erald Konig, constate une homogénéité intéressante des chiens qui comportent de grandes qualités générales.
En 1902 est écrit un premier standard, qui, contrairement aux attentes de Konig, impose au Boxer une mâchoire qui se ferment en ciseaux et non pas de façon prognathe. L’erreur est corrigée en 1905 avec un standard qui interdit de plus la couleur blanche. En 1920, le standard augmente la taille maximale, qui était auparavant de 55 cm au garrot. En 1925, il interdit la couleur noire. En 1938, ce sont les taches qui se font écarter. En 1988, du fait des lois de la plupart des pays, le standard décrit l’oreille du boxer pour les payes qui n’en autorisent pas la coupe. Enfin, en 1993, un complément vient s’ajouter pour affiner la description du caractère.
Lors de la Première Guerre mondiale, le Boxer est utilisé comme auxiliaire militaire, aux côtés des Bergers allemands, des Dobermans, des Airedale-Terriers (qui servent d’agents de liaison), et des Schnauzers.
Il a également servi dans les patrouilles de la Feldgendarmerie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dix ans avant cette dernière guerre, Arnulf Graudenz fut le premier Boxer inscrit au Livre des origines de l’American Kennel Club.