Dans les profondeurs d'une forêt de mélèzes
vie sauvage

Dans les profondeurs d’une forêt de mélèzes

Planté pour ses qualités ornementales, le mélèze apporte un certain exotisme à nos paysages. Bien des espèces animales et végétales trouvent un abri sous le couvert tamisé de ces forêts.

 

Les plantations de conifères ont souvent mauvaise presse auprès des conservateurs d’espaces naturels parce que les espèces utilisées sont d’origine étrangère et de peu de valeur pour la faune et la flore indigènes. En plus, ces arbres sont fréquemment plantés aux dépens de la flore et de la faune locales et, ordonnés en un simple alignement, ils heurtent le sens esthétique.

Pourtant, tous les conifères ne méritent pas d’être rejetés et, pour beaucoup de gens, les forêts de mélèzes sont des plantations très acceptables.

Pourvus d’aiguilles cathodiques, ces arbres ont une croissance comparable à nombre de nos essences feuillues et se fondent donc bien dans le paysage.

En outre, le renouvellement saisonnier des feuilles permet à une flore d’une surprenante richesse de s’épanouir au sol. Ajoutez à cela une variété d’oiseaux forestiers et une profusion d’espèces de champignons d’automne, et vous obtenez un habitat qui mérite plus qu’un coup d’œil.

Bien que leur bec ne soit pas adapté à l’extraction des graines des cônes de mélèzes, les chardonnerets explorent les cônes les plus vieux et recherchent aussi des insectes

La plupart des forêts de mélèzes sont composées de mélèzes d’Europe, essences élégantes à port rectiligne, originaires des Alpes et des Carpates. Ils ornent aussi les vastes parcs arborés des riches demeures. L’enthousiasme avec lequel le mélèze fut accueilli était justifié par son feuillage d’un vert frais au printemps et ses teintes mordorées en automne. Mais, on prit vite conscience des qualités matérielles du bois de mélèze, ce qui fit de cette espèce l’une des favorites pour les plantations de conifères. Ainsi, de vastes forêts de mélèzes ont été plantées il y a deux siècles.

En automne, les champignons foisonnent parmi les aiguilles tombées et les mousses des forêts de mélèze. Plusieurs espèces sont caractéristiques comme le lactaire roux
En automne, les aiguilles de mélèzes prennent une teinte dorée avant de tomber, contribuant ainsi à la beauté du paysage.

Plantations ensoleillées

Avec un peu d’attention, les plantations de mélèzes peuvent être intéressantes pour les botanistes amateurs. Les bordures des sentiers ouverts sont les endroits les plus riches, notamment du fait de l’abondant ensoleillement du sol qui favorise la croissance végétale. Les mélèzes ont également un impact sur la strate herbacée — les fleurs — qui se développe en dessous. Comme les autres conifères, ils ont des aiguilles résineuses qui se décomposent très lentement. Au fil des années, des couches s’accumulent et, au cœur des plantations les plus denses, la croissance des plantes herbacées est parfois compromise, voire étouffée. Mais là où les arbres sont plus espacés, les plantes basses se développent bien.

Par rapport à d’autres arbres, les mélèzes tolèrent toutes sortes de sols et peuvent donc être plantés dans divers environnements, depuis les coteaux calcaires jusqu’aux versants tourbeux et aux terrains sablonneux ou caillouteux. Les fleurs qui poussent sous leurs frondaisons reflètent la géologie et l’orientation de la zone en question et il y a de fortes chances qu’elles ressemblent aux fleurs des forêts de feuillus et des haies indigènes voisines.

Dans les plaines, les plantes les plus typiques des sols sont des espèces ubiquistes telles que la ronce, la stellaire hollostée et peut-être la ficaire fausse renoncule.

Dans certains endroits à sol calcaire ou neutre, se déploient des tapis de campanules souvent mêlées à des espèces telles que l’euphorbe des bois, l’anémone des bois et la mercuriale vivace. Mais, sur les sols acides ou de montagne, la végétation basse est dominée par l’airelle et la bruyère.

Si le printemps est la saison des fleurs dans les forêts de mélèzes, l’automne est bien celle des champignons ; leur abondance est l’un des points forts de cet habitat. De début septembre à fin novembre, les carpophores et autres types de champignons se fraient un chemin à travers le tapis d’aiguilles qui jonchent le sol de la forêt, à moins qu’ils ne surgissent des troncs en décomposition.

Les cônes de mélèzes persistent sur l’arbre durant plusieurs années, sur un arrière-plan changeant d’aiguilles vertes ou dorées.

Les invertébrés

Si les plantations de mélèzes semblent parfois dénuées de populations d’invertébrés, les forêts matures, entrecoupées de sentiers ouverts et ensoleillés, abritent diverses espèces semblables à celles qui peuplent les milieux indigènes voisins. Ainsi, dans les régions boisées par exemple, vous pouvez vous attendre à trouver des mouches-scorpions et des papillons tels que les tircis et les amaryllis, butinant sur les fleurs de la forêt et les buissons de ronces.

Les sirphes seront sans doute plus caractéristiques des régions situées à une altitude élevée. Parmi ces espèces, un petit nombre ont un mode d’alimentation spécialisé. Passant souvent inaperçus en raison de leur petite taille, des pucerons sont présents en grand nombre pendant l’été. Des espèces telles que Adelges abietis sont la nourriture favorite de la coccinelle aphidecta obilitera.

Sans dépendre directement des mélèzes, les mouches scorpions fréquentent souvent les sentiers de forêt

Jaillissement de vie

Parmi ces champignons qui disséminent leurs spores sous leurs chapeaux au lieu de lamelles, le bolet élégant, suillus grevillei, au chapeau orangé, est l’un des plus répandus et des plus caractéristiques. Plusieurs autres espèces de suillus sont aussi communes, de même que des cousins proches du genre boletus, dont le bolet bai, boletus badius.

Nombre de champignons qui poussent dans les forêts de mélèzes ont des lamelles et le lactaire roux, qui secrète un suc laiteux, est un élément familier de cet habitat, ainsi que plusieurs autres membres de la famille Lactarius. D’un point de vue esthétique, c’est le tricholome rutilant qui remporte la palme avec son champignon fibreux rouge et jaune. Une mention particulière revient au théléphore terrestre, thélephora terrestrés, et à la colocère visqueuse, calocera viscosa, qui poussent sur le sol de forêts avant en partie brûlé et dont l’aspect dénote par rapport aux champignons classiques.

Explorez une forêt de mélèzes en automne et il y a de fortes chances que vous trouviez sur le sol quelques spécimens de calocères aux tons jaune vif

Les forêts de mélèzes n’abritent pas une aussi grande variété d’oiseaux que les forêts de feuillus indigènes et la plupart des espèces observées sont déjà communes et répandues ailleurs, tels les merles, les rouges-gorges et les mésanges bleues. Cependant, les mésanges charbonnières trouvent les forêts de mélèzes plus à leur goût et elles peuvent même y nicher lorsque les arbres sont assez matures pour présenter des cavités. Le chant délicat du roitelet huppé filtre à travers le feuillage au printemps et au début de l’été.

la minuscule mésange charbonnière est sédentaire dans des forêts de mélèzes. Elle y cherche des insectes tels que pucerons et chenilles parmi les frondaisons.
l’ombre et les cachettes offertes par les branches verticillées et serrées des plantations matures de mélèzes sont des sites de nidification parfaits pour les éperviers

Héraut du crépuscule

Si vous vous promenez jusqu’à la tombée de la nuit dans une forêt de mélèzes reculée, vous entendrez peut être les cris d’appels en vol des bécasses des bois. Vous découvrirez même éventuellement un nid dissimulé parmi les aiguilles qui jonchent le sol. Vous aurez peut-être aussi la chance d’apercevoir dans l’obscurité la silhouette spectrale d’un hibou moyen duc en train de longer en vol un sentier. 

Cette espèce niche parmi les mélèzes plus fréquemment qu’on ne pourrait s’y attendre si l’on en juge d’après la difficulté à l’observer.

Le bec croisé est associé aux mélèzes et aux autres conifères par son mode d’alimentation. Ses mandibules dont les extrémités se chevauchent, sont adaptées à l’extraction des graines des cônes et, sans les forêts de mélèzes, cette espèce serait moins commune chez nous.

Les mélèzes d’Europe et du Japon procurent l’essentiel de la nourriture des becs-croisés mais cette importance est saisonnière. Les cônes de ces deux arbres mûrissent en automne et produisent des graines tout au long de l’hiver, période de pénurie alimentaire. En l’absence de l’une de ces sources de nourriture saisonnière, il n’est pas certain que les populations de becs-croisés se maintiendraient à leur niveau actuel. Pour l’heure, ces oiseaux sont souvent contraints de se disperser largement lors de mouvements saisonniers visant à repérer de nouvelles aires nourricières.

Les sentiers herbeux des forêts de mélèzes sont le gîte favori du tircis. Plusieurs générations se succèdent du printemps jusqu’à l’automne
La bécasse des bois est l’un des rares oiseaux capables de nicher sur le sol en dessous des mélèzes. Son plumage est un camouflage parfait dans cet habitat.

Observez la nature

Où voir des forêts de mélèzes ?

Les plantations de mélèzes sont dispersées sur à peu près tout le territoire

Des mélèzes entourés de chênes rouges, de séquoias et de cèdres peuvent être vus à l’arboretum d’Amance en Meurthe-et-Moselle.

Le mélèze d’Europe vit dans toutes les Alpes jusqu’aux Carpates. En France, on le trouve en abondance dans le Briançonnais, l’Embrunais et le Champsaur. D’une longévité remarquable, le mélèze peut vivre 300 à 500 ans. Il subsiste de rares peuplements de très vieux arbres dans le massif du Dauphiné. Les vénérables individus peuvent atteindre près de 800 ans et 2 mètres de diamètre. C’est un arbre élevé qui mesure 35 m de hauteur et pousse jusqu’à 2400 m d’altitude.

Dans les Alpes, le mélèze d’Europe représente, selon les zones, entre 18 à 40% des essences présentes.

C’est en Corrèze, en Haute-Vienne et dans la Creuse que l’on trouve le plus de mélèzes du Japon.

 

 

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