Des femelles responsables
Les mammifères consacrent beaucoup de temps et d’efforts à procréer et à élever leurs petits et les primates plus encore que les autres. Les gros cerveaux des nourrissons primates indiquent qu’ils n’ont plus à apprendre encore que les autres mammifères : ils dépendent donc plus longtemps de leurs parents. Mais, les soins parentaux diffèrent beaucoup d’un primate à l’autre. Comparés à ceux des singes et des grands singes, les bébés prosimiens requièrent moins d’attention et se développent plus vite. Leur survie repose essentiellement sur les mères, et cela est particulièrement vrai pour les lémuriens de Madagascar. En effet, la nourriture est souvent peu abondante sur l’île, et en trouver assez pour nourrir sa progéniture est un travail à temps plein. En conséquence, les mères s’attribuent en premier les vivres, avant les mâles. Dans le monde des lémuriens, ceux-ci sont vraiment des citoyens de seconde classe.
Une reproduction rapide et intense
La reproduction occupe une place primordiale dans la vie des animaux, et la manière dont ceux-ci s’accouplent et prennent soin de leur progéniture témoigne de la diversité des modes de vie dans le règne animal. Les singes et les grands singes consacrent l’essentiel de leur temps au processus reproductif, à élever leur progéniture. Du fait de leur gros cerveau, les petits ont une croissance lente et grandissent sous la houlette des adultes, dépendant de leurs mères pour la nourriture et la sécurité plus longtemps que les autres jeunes mammifères. Pour les prosimiens, dont le cerveau est relativement petit, les choses se passent différemment, et leurs processus de reproduction se rapprochent davantage de ceux des autres mammifères nocturnes que de ceux de leurs parents primates.
Les jeunes prosimiens se développent plus vite que les primates plus évolués (une femelle galago est fécondable dès l’âge de neuf mois), et de nombreuses espèces donnent naissance à plusieurs petits en même temps. Ces deux facteurs font que le nombre de jeunes est bien plus élevé chez eux que chez les singes et les humains.
Cette rapidité reflète une différence importante dans les stratégies de reproduction. Si la stratégie adoptée par les prosimiens a pour résultat une progéniture abondante, ils lui prodiguent moins de soins que ne le font les singes et grands singes. Mais moins de soins induit moins de bébés susceptibles d’atteindre l’âge adulte. En fin de compte, cette mortalité est compensée par le nombre qui garantit que suffisamment de jeunes parviendront à l’âge adulte et seront capables de se reproduire à leur tour. Les singes et les grands singes, eux, ont une stratégie inverse, mais sûre. Leur progéniture est moins abondante, mais ils lui apportent plus d’attention, donnant à chaque petit de plus grandes chances de survie. Il est à noter que les espèces, plus grandes, de prosimiens diurnes (sifaka et indri) se rapprochent plutôt des singes, ne donnant naissance que tous les 2 ou 3 ans et consacrant plus de temps et d’efforts à l’éducation que les petits prosimiens.
biologie et anatomie de la reproduction
Le système reproductif des prosimiens est à mi-chemin entre celui des singes et celui de la plupart des mammifères. Comme beaucoup d’entre eux, leur utérus est fendu en deux parties, dans lesquelles plusieurs œufs peuvent être déposés par l’ovaire correspondant. Chez les singes et grands singes, l’utérus est en une seule partie, et les deux ovaires y déposent alternativement chaque mois un seul œuf. Les singes et les grands singes ont également un placenta qui tapisse l’intérieur de l’utérus et se raccorde à la circulation sanguine de la mère, alors que chez les prosimiens, le placenta se loge simplement à la surface de l’utérus et absorbe la nourriture à travers sa paroi.
De même, les femelles des prosimiens ne ressemblent pas à celles des primates quant à leur comportement sexuel. En effet, comme la plupart des mammifères, elles ont ce que l’on appelle un cycle œstrus : une seule hormone contrôle à la fois le fonctionnement interne de leur système reproductif (comme la production des ovules par les ovaires) et leur désir de s’accoupler. Ainsi, les femelles ne sont en chaleur que durant leur période de fertilité, quand les ovules sont émis. Au contraire, les singes et grands singes connaissent des cycles menstruels et peuvent s’accoupler à tout moment.
Halte garderie
Les prosimiens nocturnes sont moins développés à la naissance que les bébés singes. Un nouveau-né galago, par exemple, naît avec très peu de fourrure et parvient à peine à ouvrir les yeux. Il est également incapable de se déplacer seul ou même de grimper sur le dos de sa mère. Pour ces raisons, les mères galagos bâtissent des nids où elles peuvent les laisser en sécurité lorsqu’elles partent chercher de la nourriture. Si elles doivent déplacer leurs petits vers un autre nid, elles les transportent dans leur gueule comme le font les chattes avec leurs chatons. C’est seulement à l’âge d’un mois que les bébés galagos seront capables de s’accrocher au dos de leur mère.
Les bébés de la majorité des autres prosimiens sont plus évolués à la naissance, leurs mères ayant des grossesses plus longues que celles des galagos. Ainsi, les mères loris ne bâtissent pas de nids, leurs petits pouvant s’accrocher à leur fourrure dès la naissance. Toutefois, elles ne les emmènent que sur de courts trajets, préférant les laisser sur une branche durant la nuit lorsqu’elles doivent s’éloigner et revenant les chercher avant de dormir. Une fois abandonnés, les bébés loris restent tout à fait immobiles afin de ne pas attirer l’attention des prédateurs.
Les mères qui, comme les loris, laissent leurs nourrissons dans un nid ou dans les branchages ne peuvent les nourrir aussi souvent que celles qui les transportent sur leur dos, mais la plus grande richesse de leur lait compense la qualité.
Une courte saison des amours
Chez plusieurs espèces de prosimiens, toutes les femelles sont en chaleur simultanément, durant une courte saison qui ne survient qu’une fois l’an. Certaines femelles ne sont fertiles qu’un seul jour par an et ne peuvent jamais s’accoupler le reste du temps.
Ces périodes de procréation limitées provoquent d’intenses compétitions entre les mâles. Ils tournent autour des femelles, tentant de s’accoupler avec le plus grand nombre de manière à s’assurer une abondante progéniture pour l’année. Bien que la saison des amours puisse ne durer qu’une journée, elle est physiquement épuisante et, pour la traverser avec succès, les mâles doivent se constituer de grosses réserves de graisse et se trouver au mieux de leur condition physique.
Même pour les espèces chez lesquelles cette période dure quelques jours ou quelques semaines, la compétition fait rage entre les mâles, car les femelles sont toutes en chaleur en même temps. Un unique mâle ne peut donc pas accaparer toutes les femelles sont toutes en chaleur en même temps. Un unique mâle ne peut donc pas accaparer toutes les femelles fertiles. Tandis qu’il s’accouple avec l’une d’entre elles. C’est vraiment « qui va à la chasse perd sa place », et un mâle qui n’est pas suffisamment rapide risque fort de retrouver sa partenaire « occupée » avec un autre. Si un mâle ne parvient pas à s’accoupler, il devra attendre l’année suivante pour avoir une nouvelle chance de procréer.