Des odeurs et des sons - les prosimiens
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Des odeurs et des sons – les prosimiens

Quand la nuit tombe sur les forêts tropicales d’Afrique ou d’Asie, les prosimiens quittent le trou où ils ont dormi et s’approprient la forêt. Bondissant sous les frondaisons, les galagos cherchent les insectes volants qu’ils attrapent au vol, tandis que les loris et les pottos déambulent avec précaution, s’immobilisant au moindre danger. La forêt s’emplit alors de sons étranges, de bruissements dans les feuillages et d’odeurs. Dans la pénombre épaisse, des marques odorantes délivrent des messages, guidant les animaux dans leur habitat et indiquant les endroits où leurs congénères sont passés. Les nez humides et sensibles captent les odeurs les plus infimes, révélant si des compagnes potentielles sont prêtes à s’accoupler. Les grandes oreilles détectent le battement d’ailes des insectes et les cris territoriaux des rivaux. C’est en connaissant bien le langage des odeurs et des sons que le monde nocturne des prosimiens révèle ses secrets et prend tout son sens.

Les galagos marquent les limites de leur territoire avec leur urine

Messages nocturnes

Les créatures diurnes, les singes, les grands singes et les hommes, vivent dans un monde dominé par le sens de la vue et emploient un large éventail d’expressions visuelles pour communiquer. Il n’en va pas de même pour certains prosimiens, nos cousins nocturnes. Le sens de l’odorat et de l’ouïe sont en effet bien plus utiles pour communiquer la nuit, particulièrement lorsque la plupart de ces animaux vivent en solitaire et ne se retrouvent que rarement face à face.

Grâce à leurs grands yeux très sensibles, certains prosimiens voient mieux la nuit que les autres primates. Cependant, la vision nocturne requiert des modifications de l’œil qui se font aux dépens des capacités à voir les couleurs ou les détails. Ces prosimiens doivent donc compter sur d’autres sens pour explorer le monde.

 

Des glandes odoriférantes

Les odeurs sont un moyen de communication très efficace pour les animaux nocturnes. Elles leur permettent de communiquer par-delà l’espace et le temps. Une fois dûment déposée, une odeur peut perdurer près d’une semaine, indiquant aux animaux qui sont passés par là avant eux. C’est ainsi que la plupart des prosimiens possèdent des glandes odoriférantes dont ils usent pour marquer leur territoire.

Ces glandes odoriférantes, formées à partir de sudoripares modifiées, peuvent se situer sur la tête, la poitrine, l’abdomen, les avant-bras et, particulièrement, dans la région entourant l’anus ou les organes sexuels. Elles secrètent des odeurs fortes qui diffusent rapidement des substances chimiques susceptibles de délivrer toutes sortes d’informations, telles que l’âge de l’animal, son sexe et sa disponibilité sexuelle. En se déplaçant, les animaux déposent des traces odorantes sur les arbres et les arbustes, informant de leurs mouvements et des événements qui jalonnent leur vie.

Chez certaines espèces, d’autres parties du corps participent au marquage des odeurs. Les makis catta mâles (à la queue décorée de bandes alternativement noires et blanches) possèdent des glandes odoriférantes aux aisselles et aux poignets. Juste au-dessus de chaque poignet, ils ont un éperon calleux, une sorte de griffe, qu’ils utilisent pour incruster les odeurs dans l’écorce des arbres. Lorsque les mâles laissent des traces odorantes, ils frottent les glandes de leur poignet sur celles des aisselles, puis entourent le tronc de l’arbre avec le bras. Ils laissent deux sortes d’odeurs, ainsi qu’une marque en forme de virgule sur l’écorce. Marquer un arbre de cette manière peut leur prendre jusqu’à 20 minutes.

Les makis catta mâles utilisent aussi les glandes odoriférantes qu’ils possèdent près des organes sexuels, mais la manière dont ils le font dépend de leur rang social. En effet, ces lémuriens vivent en groupes sociaux bien hiérarchisés, et les mâles de haut rang doivent déposer plus de marques odorantes que leurs subordonnés, quand bien même le marquage par les poignets demeure le même. La raison de ce comportement n’est pas claire : il est possible que les mâles dominants aient des glandes odoriférantes génitales plus développées que les autres, ce qui leur autorise plus de marquages, ou bien que les mâles subordonnés ne parviennent pas à produire des odeurs aussi rapidement que les animaux dominants.

Le marquage par l’urine

Il est intéressant de constater que les pottos et les loris ne possèdent pas de glandes odoriférantes ; ils utilisent leur urine. Le potto en particulier, est renommé pour la manière dont il urine soigneusement sur ses mains et ses pieds avant de s’engager dans une ronde nocturne au cours de laquelle il laissera une traînée d’empreintes odorantes. Les autres pottos “verront” ces empreintes avec leur nez, aussi sûrement que si elles étaient recouvertes de peinture fluorescente.

Une femelle maki catta tient sa queue dressée tandis qu’elle dépose des marques odorantes sur un arbre à l’aide des glandes proches de sa zone génitale.

Marquage et accouplement

La plupart des prosimiens ont une frénésie de marquage durant la saison des amours, les femelles pour indiquer aux mâles si elles sont fécondes et prêtes à l’accouplement, les mâles pour avertir les autres mâles de se tenir au loin.

Les lémurs ont élevé cette intimidation des rivaux à un art raffiné. Leur urine contient certaines substances chimiques qui peuvent influer sur la capacité des autres mâles à se reproduire. Les lémurs mâles qui sont exposés à l’odeur d’urine d’un mâle dominant sont rendus stériles par une chute de leur taux de testostérone. Les mâles possédant un faible taux de testostérone sont non seulement stériles, mais deviennent incapables d’émettre ces cris spéciaux dont ils pourraient autrement user pour inciter les femelles à l’accouplement.

Ces effets se font particulièrement sentir à l’acmé de la saison des amours des lémurs, quand la compétition entre les mâles culmine. Les mâles dominants ont intérêt à mettre les autres mâles hors-jeu de cette manière, car les femelles parviennent toutes ensemble à la période de fécondité. Il est alors impossible à un mâle de monopoliser tout un groupe de femelles : lorsque toutes sont fécondables simultanément, il ne peut en défendre qu’une à la fois. Aussi, la meilleure solution consiste-t-elle à ne pas s’acharner à protéger les femelles, mais réduire le nombre de mâles rivaux. La production d’urine rendant les autres mâles stériles assure ainsi au dominant une progéniture nombreuse.

 

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