la vie au sommet des montagnes de France
Balayées par le vent, froides et enneigées en hiver, les montagnes françaises sont habitées par quelques espèces d’une résistance à toute épreuve, aussi bien parmi les animaux que les végétaux.
Quiconque a déjà gravi les versants enneigés d’une montagne en hiver sait bien que les régions situées en altitude offrent des conditions de vie plus difficiles pour les êtres vivants. Avec des températures bien en dessous de zéro et des vents cinglants, c’est un miracle qu’il puisse y avoir de la vie dans ce milieu inhospitalier. Mais, revenez au même endroit en été et vous serez surpris par la diversité de la flore et de la faune qu’abrite une région de montagne.
Avec le massif des Pyrénées et celui des Alpes, pour ne citer que les régions les plus élevées, la France possède de superbes reliefs montagneux. Leurs plus hauts sommets sont situés bien au-dessus de la limite supérieure des arbres et accueillent une profusion d’espèces végétales adaptées, qui profitent de l’absence d’espèces avec lesquelles elles seraient en compétition à plus basse altitude.
Paysage sculpté :
À la suite du retrait des glaciers, il y a quelque 10 000 ans, les forêts ont rapidement envahi ces régions, les bouleaux et les pins sylvestres l’emportant dans la plupart des massifs montagneux. Seuls les plus hauts sommets et chaînes sont restés exempts de forêts, de même que leurs flancs. Durant les 2000 ans qui se sont écoulés depuis l’âge de bronze, les forêts ont été défrichées pour produire du bois d’œuvre, du combustible et pour faire paître les troupeaux. Le broutage des moutons a empêché la régénération des jeunes plants. Du fait du manque d’arbres sur certains versants, les plantes poussant en altitude qui s’accommodent de terrains nus se rencontrent sans doute à des niveaux moins élevés que ce ne serait autrement le cas.
Les montagnes sont faites de roches dures plus aptes à résister à l’érosion par l’eau et la glace que celles qui forment les paysages du bas pays. Par suite, l’érosion par les intempéries est un processus lent et la formation des sols s’en trouve, elle aussi, ralentie.
Ceci est aggravé par le fait qu’une fois constituée, la mince couche de sol et de particules nutritives est rapidement emportée le long des pentes vertigineuses par les fortes précipitations.
En l’absence d’arbres et d’arbustes sur les sommets des montagnes, les rochers offrent le seul abri valable pour les plantes et les animaux.
Les plantes qui poussent à découvert sont basses et compactes, et forment souvent des coussinets. Les mousses et les lichens sont importants, mais sur la plupart des sommets, on trouve presque autant de roches et de cailloutis nus que revêtus d’une maigre végétation. La plus belle collection de végétaux adaptés à ce milieu se trouve en général sur les versants à éboulis et gros rochers qui flanquent les sommets, ainsi que dans des cuvettes abritées. Ces espèces jouissent d’une certaine protection contre les intempéries, mais le fait d’être inaccessibles aux herbivores est plus important encore pour leur survie. Ainsi, les communautés végétales et animales les plus riches se trouvent de préférence sur les crêtes, à l’abri du surpâturage.
En hiver, un manteau de neige recouvre la plupart des sommets de nos montagnes. C’est une bénédiction pour la plupart des plantes et des invertébrés vivant à cette altitude, car cela les protège des températures glaciales de l’air.
Les invertébrés installés sur nos montagnes sont assez petits ; Ils vivent sur le sol et sont essentiellement actifs en été. un petit nombre d’espèces d’oiseaux robustes profitent de la profusion d’insectes et de la végétation luxuriante en cette saison mais, en hiver, la plupart migrent vers le bas pays ou quittent la France. Pour les plantes et les animaux adaptés à la vie en montagne, l’épaisse couche de neige qui les recouvre constitue une protection importante. En effet, la neige isole le sol des températures extrêmes et protège les êtres vivants du refroidissement intense causé par le vent.
Le nom de “fleurs de montagnes” s’applique à des espèces appartenant à des familles très diverses. La famille des pois, celle des œillets comme celle des pâquerettes sont représentées. Bien qu’aucune famille végétale ne pousse exclusivement dans ces régions, toutes les espèces qui s’y développent s’accommodent de ces rudes conditions. L’aire de distribution des espèces de fleurs que l’on trouve dans nos montagnes est en rapport avec l’histoire. Ainsi, dans les Alpes, on trouve des plantes tropicales qui vivaient jadis en ce lieu, à l’ère tertiaire, et qui se sont habituées à des conditions climatiques plus rudes.
Climat de montagne
En montagne, l’altitude crée un climat particulier bien différent de celui des plaines du bas pays. Pour commencer, la température moyenne diminue d’environ un degré Celcius tous les 150 mètres. Quand l’air chargé d’humidité atteint les versants d’une montagne, il s’élève. Ce faisant, il se refroidit et la vapeur d’eau qu’il contient se condense puis tombe sous forme de précipitations. Quand les températures sont très basses, la pluie se transforme en neige. Les versants qui sont face aux vents dominants subissent des précipitations plus importantes que les versants à l’abri du vent, mais, dans notre pays, les précipitations sont en général beaucoup plus fortes sur les montagnes que sur les plaines situées à la même latitude. Bien que le vent en haute montagne empêche le développement des forêts, quand il y en a ce sont surtout des conifères. Toutefois, certaines régions situées en altitude comportent quelques essences moins courantes même s’il s’agit, le plus souvent, d’espèces naines. Ainsi, diverses espèces de saules peuvent être observées, notamment le rare saule laineux.
Espèces arctico-alpines
Certaines espèces vivent sur d’autres massifs montagneux d’Europe, mais pas dans l’Arctique, comme c’est le cas pour la gentiane printanière et l’oxytropsis de Haller.
Cependant, la majorité des espèces croissent aussi bien dans les régions arctiques que sur les hautes chaînes tempérées d’Europe, c’est pourquoi on les qualifie d'”arctico-alpines”.
La flore actuelle de nos montagnes montre diverses origines : implantation naturelle d’espèces venues de milieux naturels éloignés mais comparables, évolution et colonisation par des espèces de basse altitude. On pense qu’une partie des plantes des montagnes sont des vestiges de la flore qui colonisa jadis la plus grande partie de l’Europe, à la fin de la dernière ère glaciaire. Le réchauffement du climat et l’extension de la couverture forestière provoquèrent leur disparition dans les régions de basse altitude.
Le lichen des rennes et diverses espèces de mousses ont contribué à fixer le sol rocailleux sur la plupart des sites exposés. Des touffes d’herbes localisées, notamment de nard et de deschampsia, croissent dans ces lieux, associées à quelques espèces adaptées de carex et de joncs. Les limites inférieures de la végétation réellement montagnarde sont indiquées par la présence d’airelles, de camarine et d’airelle rouge. L’éventail le plus riche d’espèces végétales se trouve habituellement entre cette zone et les sommets.
Les ravins ombragés et humides sont souvent parmi les endroits les plus intéressants pour le naturalisme. parmi la multitude d’alchémilles alpines, on peut rencontrer également des plantes comme l’oxyria à deux styles, des ronces des tourbières, une variété de framboisier, les benoîtes de montagne, la silène acaule et des immortelles. Des plantes cryptogames poussent là aussi, particulièrement le lycopode des Alpes, des botrychium et diverses fougères. Des espèces telles que le carex, le laiteron de montagne et le gnaphale ont des aires de distribution plus localisées.
Parmi les fleurs les plus fréquemment rencontrées, citons également le lys martagnon, le verdâtre verdissant, l’œillet et la silène des glaciers, l’ancolie noire-violâtre, la joubarbe, diverses saxifrages et gentianes (asclépiade, de Bavière, corace, jaune, printanière), la primevère farineuse ou la grassette des Alpes.
Etant donné cet environnement difficile et pauvre, il n’est pas étonnant que les espèces d’invertébrés endémiques dans nos montagnes soient très limitées. Les mouches sont parmi les mieux représentées – les larves d’au moins deux espèces de tipules vivent parmi les mousses humides et éclosent en nombre au début de l’été. Les moucherons, dont les larves recherchent l’humidité, semblent omniprésents à certaines périodes de l’année. Plusieurs espèces de petites araignées se plaisent dans ces régions et les quelques coléoptères à régime prédateur qui vivent dans nos montagnes se nourrissent probablement d’autres invertébrés.
La plupart des montagnes sont faites de roches qui ne contiennent pas de calcium. Celui-ci donc rare dans le sol comme dans la végétation. Par conséquent, les escargots, qui ont besoin de minéral pour fabriquer leur coquille, sont en général absents des montagnes. On rencontre quelques limaces, notamment la grande limace noire, qu’on voit parfois ramper par temps humide sur les rochers couverts de lichen.
Eclatantes saxifrages
Si certaines saxifragacées poussent à une altitude assez peu élevée, la plupart des plantes de cette famille sont de vraies orophytes (plantes de montagne). On les rencontre autour de 900 mètres d’altitude. Saxifrage signifie étymologiquement “qui brise les rochers” et traduit le goût de la plupart de ces espèces poussant en altitude pour les terrains rocailleux. En effet, ces plantes se développent fréquemment dans des anfractuosités de rochers ou sur des saillies avec un minimum de sol. Les saxifrages étoilées et les saxifrages jaunes sont les plus répandues et la saxifrage à feuilles opposées est sans doute la plus belle. Mais, pour les botanistes professionnels ou amateurs, la rareté est aussi importante que les qualités esthétiques. C’est pourquoi les saxifrages arctiques, gazonnantes ou penchées sont les plus recherchées des saxifragacées.
Entre ciel et terre
Les papillons sont assez nombreux en montagne, du fait de la grande variété de fleurs. Dans notre pays, on trouve aussi des phalènes comme le minuscule glacies coracina et le géomètre Semiothisa carbonaria.
Les torrents qui dévalent des montagnes abritent les nymphes libellules comme le corduléastre annelé. Cette espèce assez fréquente sur les landes de plaines est également observée dans maintes régions situées en altitude. Dans certains sites, elle est accompagnée par la cordulie arctique, espèce plus petite à corps rougeâtre.
Pour atteindre le sommet d’une montagne, il faut traverser une série d’écosystèmes. les forêts recouvrent souvent les zones les plus basses mais, à mesure qu’on progresse vers le sommet, elles sont remplacées par des paysages découverts et parfois des tourbières ouvertes.
Là où bruyères et airelles prédominent, vous croiserez peut-être des groupes sur votre chemin. Mais ce n’est que là où les espèces turbicoles cèdent la place à la véritable végétation montagnarde que vous aurez une chance de découvrir son cousin des hauteurs, le lagopède des Alpes. Bien que les intempéries et la neige puissent le contraindre à descendre un peu en hiver, cet oiseau se trouve rarement ailleurs que parmi la véritable végétation orophyte.
Nicheurs au sommet
Un ensemble d’espèces d’échassiers se reproduisent aussi dans cet environnement. Les zones les plus basses sont le domaine des bécasseaux variables et des pluviers dorés, mais il faut atteindre les hauts plateaux dénudés pour espérer apercevoir des pluviers guignards en train de nicher.
Les passereaux sont assez rares sur les sommets, ce qui n’a rein d’étonnant vu l’aridité des lieux. Les merles à plastron se reproduisent dans les régions les plus basses et les traquets motteux nichent parfois au milieu d’amas de rochers sur les flancs des montagnes. Mais le bruant des neiges est le seul passereau à se plaire sur les sommets rocailleux, à la saison de la reproduction.
A l’exception du lagopède des Alpes, rares sont les oiseaux de petite taille présents dans les montagnes en hiver. Le corbeau et l’aigle royal sont les seules espèces sédentaires, car très mobiles, elles ne se cantonnent pas dans les hautes plaines et fréquentent les régions de basse altitude quand les rigueurs de l’hiver les y obligent.
En été, de grands mammifères comme le cerf élaphe ou le renard visitent les versants des montagnes. Le chamois, les bouquetins et la marmotte sont, par contre, des résidents indéfectibles. Il serait impossible de terminer ce rapide panorama sans parler des ours disparus, mais en cours de réintroduction dans les Pyrénées (ce qui n’est pas un projet adopté par tous) et surtout du retour progressif du seigneur loup dans les Alpes.
Observez la nature
Où voir les espèces de montagne ?
Les promenades en montagne nous amènent à des altitudes allant de 1500 jusqu’à plus de 3000 m (au-delà, c’est plutôt le domaine des alpinistes). Mais, atteindre de modestes sommets demande un bel effort et une telle promenade ne doit pas être prise à la légère. Le plaisir qu’on en retire est immense : si le temps est clair, vous découvrirez des vues à vous couper le souffle et la diversité de la faune et de la flore vous récompenseront.
Parc du Mercantour (Alpes)
Il a été créé en 1979 sur un milieu naturel d’une grande diversité de paysages (sites rocheux, vallées et cirques glaciaires, lacs, pâturages, forêts, etc). La zone centrale (68500 ha) s’étend sur sept vallées et le point culminant est la cime du Gélas (3143 m). Le Mercantour a une flore très riche : 2000 espèces, dont 200 sont rares et 30 ne se trouvent nulle part ailleurs. La faune est composée de toutes sortes d’espèces. Enfin, autour du mont Bégo, on peut observer 30 000 gravures datant de l’âge du bronze.
Le Queyras (Alpes)
Une superbe région au relief marqué, mais assez doux. On peut y voir un grand nombre de marmottes habituées à la curiosité des marcheurs. Avec un peu de chance, vous pourrez apercevoir des isards (chamois) ou même un loup, si vous ne lui faites pas peur. La flore est très diversifiée, mais il ne faut pas cueillir les fleurs.
Les crêtes d’Iparla (Pays Basque)
Situé entre Bidarray et Saint Etienne-de-Baïgorry, ce relief culmine à 1000 m. Le chemin des crêtes passe par le GR10, très bien indiqué. Vers l’ouest, l’à-pic des crêtes vers la vallée ; vers l’est, une pente un peu plus douce vers l’Espagne. Des vautours sont souvent visibles, planant dans les courants chauds ascendants.
Brèche de Roland (Pyrénées)
Ce passage entre la France et l’Espagne apparaît comme rupture dans le mur de la montagne. Elle culmine à près de 2800 m et est accessible depuis le pied du crique de Gavarnie. La marche est un peu rude pour arriver en haut. Flore abondante et diversifiée ; pour la faune, les rapaces et autres oiseaux sont les espèces les plus repérables.
Pont de la Glère (Pyrénées)
Situé le long de la frontière franco-espagnole, ce passage est accessible depuis Bagnères-de-Luchon. En montant vers le sommet (2360 m), on observe la succession des biotopes de montagne : zone forestière, zone d’alpage avec formations arbustives, puis roche quasi nue. Nombreuses autres promenades, plus faciles.
Monte Cintu (Corse)
Il fait partie du parc régional de Corse, créé en 1972 sur une superficie de 332 500 ha. Le Monte Cintu culmine à plus de 2000 m. On peut y observer des espèces florales endémiques (ancolie de Bernard, immortelle des frimas) et des spécimens de montagne. Les monts corses et les lacs situés autour sont accessibles par des chemins balisés. Les randonnées sont superbes. Deux conseils : prenez garde aux cochons sauvages et, en été, emportez une bonne réserve d’eau !