Le chien à l’ère industrielle
Avec la révolution industrielle du XIXe siècle et la mécanisation qu’elle entraîne, les ancestrales qualités du chien pour la chasse ou la garde sont moins recherchées. On demande plus à sa sociabilité fondamentale et on exige de plus en plus qu’il satisfasse à des canons esthétiques que l’homme invente ou perfectionne de toutes pièces. Dès lors, on assiste à la création d’instituts de beauté et de salons de coiffure où les chiens, griffons, caniches et bichons, sont transformés en quelques heures.
Cet intérêt n’affecte pas seulement les chiens de compagnie, mais également les chiens de garde et de berger dont on améliore les niches et la nourriture, même si celle-ci est encore essentiellement constituée de déchets. Les paysans commencent, eux aussi, à s’intéresser à leurs chiens tout en appréciant leur utilité. Les grands chiens de chasse régressent un peu à cette époque, au moins sur le continent. Mais les amateurs de chiens s’organisent, et c’est en 1859 qu’a lieu la première exposition canine qui fit grand bruit outre-manche. Les Français attendirent 1863 pour en organiser une au jardin d’acclimatation : elle réunit huit cent quarante chiens qui subirent les jugements de professeurs du Museum d’histoire naturelle, MM Quatrefages et Geoffroy saint-hilaire. La première exposition internationale eut lieu en 1865.
En 1873,
Les Anglais fondèrent une société destinée à encourager l’amélioration, le maintien, voire la reconstitution des races canines anglaises et à reconnaître les races étrangères pouvant servir à perfectionner le cheptel de leur pays. Cette société, le kennel club, fit école, et en 1882 les Français fondaient la société centrale canine dont les objectifs étaient similaires et qui ouvrit un livre des origines français où le 11 mars 1885, fut inscrit le premier pedigree, celui d’un griffon d’arrêt français nommé marco.
Avec la société belge correspondante, la société centrale canine prit l’initiative de créer une fédération canine internationale qui allait bientôt regrouper quelque vingt-cinq nations à mesure que les cynophiles s’organisaient et devenir la fédération cynologique internationale.
Pendant ce temps, le nombre des races augmentait puisqu’en août 1897, le comte de Bylandt publia à Bruxelles, sous le titre les Races de chiens, deux énormes livres dans lesquels il recensait et décrivait deux cent soixante-quatorze races de chiens vivant de par le monde. En outre, on améliore les races existantes.
En 1888,
il y a des bergers beaucerons, mais en 1896 on distingue les beaucerons, ou bas-rouges, et les briards, qui pourtant ne leur ressemblent plus beaucoup. Dès la fin du XIXe siècle, les bergers belges possèdent trois races. En 1899, un certain Von Stephanitz fixe définitivement un chien de berger aujourd’hui très répandu, le berger allemand. Toujours à la même époque, Dobermann crée le chien qui porte désormais son nom. En 1837, un peintre représente un terre-neuve noir et blanc qui deviendra entièrement noir quelques années plus tard.
Chez les Anglais, le border-terrier date de 1850, le sealyham-terrier de 1851 et le welsh de 1854. En France, le billy apparaît en 1886. En 1833, le basset d’Artois s’anglicise et devient le basset hound, tandis que simultanément le braque germanique devient le braque allemand. Les braques français ne changent pas ou se transforment en Bourbonnais ou en Dupuy ou s’ils sont bleus, deviennent bleus d’Auvergne. Parmi les épagneuls, l’épagneul breton est reconnu vers 1850. En Hollande, un certain Korthals sélectionne et fait connaître, entre 1872 et 1886, ses chiens griffons d’arrêt à poil dur, appelés aussi du nom de leur créateur. C’est aux anglais que l’on doit la création du golden retriever en 1858 et du labrador vers 1820.
Les chiens de compagnie connaissent également des améliorations, et l’on crée de nouvelles races. L’ancien spitz chinois devient le chow-chow vers 1880.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le nationalisme se manifeste par la création de races propres à chaque pays ; ainsi les Français créent un bouledogue, et en Amérique apparaît le boston-terrier, qui est issu du bulldog et du terrier anglais.
Le cruft’s show
Charles Cruft, dont le nom est lié à la plus prestigieuse exposition canine du monde : le cruft’s show (exposition cruft) avait eu l’idée, au siècle dernier, de vendre aux États-Unis une cargaison de biscuits de mer pour les chiens. Ce fut un tel succès que s’ouvrit à Londres un commerce de ces biscuits dont Cruft devint représentant, visitant ainsi d’innombrables chenils, tant en Angleterre que sur le continent.
Devenu une personnalité du monde de la cynophilie, Charles Cruft fut chargé par les éleveurs français de s’occuper de la promotion de la section canine à la Foire de Paris de 1878. Cette première expérience le conduisit à organiser une exposition (show) à Londres en 1886 et c’est en 1891 qu’eut lieu le premier Cruft’s show qui fut un succès financier.
Mais Charles Cruft mourut en 1938 et, en 1942, sa femme demanda au Kennel Club de prendre en charge la manifestation. La première exposition organisée sous l’égide de ce dernier eut lieu en 1948, connut un succès immédiat et n’a cessé de prendre de l’importance. Le cruft’s show présente six catégories de chiens. Il est accordé une récompense au meilleur chien de chacune d’elles qui concourt ensuite pour le titre de meilleur chien de l’exposition (best in show).
Le Kennel club
Le kennel club, organisation typiquement britannique, fut fondé en 1873 pour mettre au point les règlements et standards des expositions canines qui devenaient de plus en plus populaires. C’était le premier organisme de ce type au monde.
L’une des actions immédiatement poursuivies par le kennel club fut de définir un règlement en dix points sur les expositions canines. Un chien devait être clairement identifié par son nom, son âge et ses origines. Le comité d’organisation de l’exposition se réservait le droit de refuser l’inscription de chiens ne répondant pas aux normes ou de sujets malades. Le kennel club instaura un livre des origines (le stud book). Le premier, paru en 1874, définissait les objectifs du club : s’attacher à promouvoir l’amélioration des races, les expositions et les concours.
La première exposition du club eut lieu du 17 au 20 juin 1873 au Crystal palace de Londres.
Les objectifs, structures et règlements du kennel club ont servi de modèle à des organisations similaires dans de nombreux pays. Le kennel club n’est pas sous le contrôle de la fédération cynologique internationale, mais membre associé de cette organisation, avec un statut spécial.
La classification des races de chiens instaurée par le kennel club et suivie, avec quelques modifications, par d’autres clubs, reconnaît deux classes principales de chiens : les chiens de sport : chiens courants, d’arrêt, terriers ; et les races non sportives : chiens d’utilité et de compagnie. En 1880, un système universel d’enregistrement des noms au stud book fut mis au point.
Le kennel club
attache beaucoup d’importance au dressage, à l’obéissance. Une épreuve de cette spécialité a été présentée pour la première fois à l’exposition de 1920. Le kennel club estime qu’un chien obéissant permet de mieux faire accepter la race canine dans la société et qu’un animal bien dressé est un compagnon sûr, que le maître apprécie d’autant plus.
Dès 1875, le kennel club vota une résolution condamnant la pratique de la vivisection. À cette époque, la coupe des oreilles des chiens était déjà controversée. Depuis 1898, les chiens aux oreilles écourtées ne sont pas admis dans les expositions du kennel club, seule la coupe de la queue est tolérée pour certaines races.
Le club, qui enregistre aujourd’hui deux cent mille chiens avec pedigree, se consacre à l’amélioration des pratiques de reproduction dans le dessein d’éviter les dangers de l’élevage intensif.