les cours d’eau en milieu calcaire
Les eaux cristallines et turbulentes qui s’écoulent sur les graviers ou tourbillonnent dans les bassins créent une atmosphère de calme qui contraste avec les habitants de ce biotope.
Les caractéristiques des cours d’eau en milieu calcaire sont déterminées par la structure de la base d’où ils jaillissent. Le calcaire est une roche sédimentaire récente et très abondante. L’eau qui circule sur un tel milieu exerce une action érosive majeure, car elle est capable de dissoudre cette roche tendre. En retour, l’eau des rivières et des sources est abondamment chargée en sels minéraux.
Sources naturelles
Le calcaire a une structure poreuse qui absorbe l’eau très rapidement. L’eau pénètre profondément dans la roche où elle est emmagasinée dans des cavités souterraines dites aquifères, là où la pression hydrostatique de la nappe phréatique est plus forte que celle au niveau du lit de la rivière, que jaillit la source. Ces filets d’eau constants coulent doucement vers l’aval, formant le réseau des eaux vives et dormantes qui rejoignent les rivières plus importantes. Quand les eaux de pluie passent à travers la matrice de calcaire, toutes les fines particules sédimentaires en suspension sont filtrées. Les eaux de pluie deviennent souvent acides en passant à travers la végétation en décomposition dans les couches supérieures du sol, ce qui leur permet de dissoudre certains sels contenus dans le calcaire qui les filtre.
Ces sels sont ensuite agrégés à l’intérieur de l’aquifère. Ceci explique que des eaux “dures” jaillissent de la source calcaire. Cette eau est claire comme du cristal et les minéraux qu’elle contient sont profitables aux animaux, notamment aux mollusques comme la planorbe qui utilise des minéraux dissous dans l’eau pour fabriquer son épaisse coquille.
La vitesse et la turbulence d’un cours d’eau rapide permettent de dissoudre l’oxygène de l’air. En outre, cette agitation augmente l’évaporation et rafraîchit l’eau qui peut être déjà froide si elle vient d’émerger de sa source souterraine. Ceci est important, car plus l’eau est froide, plus elle est riche en oxygène dissous. Par suite, les cours d’eau calcaire ont une teneur très élevée en oxygène et sont donc susceptibles d’abriter une grande variété d’invertébrés et de poissons qui auront du mal à vivre ailleurs. C’est pour cela que ces cours d’eau ont une faune si riche. Il s’ensuit que toute pollution ou tout réchauffement de l’eau influent gravement sur les organismes qui y vivent.
Le problème est plus grave quand l’homme puise l’eau de la couche aquifère souterraine pour ses propres besoins et que cette eau ne peut plus alimenter le cours d’eau.
Végétation luxuriante
Les eaux claires des cours d’eau calcaire laissent la lumière atteindre le lit et, s’il est fait de sable ou de vase, nombreuses sont les plantes aquatiques qui s’y développent. La renoncule à feuilles étroites peut devenir si épaisse qu’il faut la couper pour rétablir le courant. Dans un cours d’eau bien entretenu, les végétaux offrent un abri et de la nourriture aux invertébrés, aux poissons et aux oiseaux.
Les rives des cours d’eau calcaire sont, elles aussi, abondamment pourvues de végétation : les larges feuilles de l’iris faux-acore, de la consoude commune et de la pétasite hybride forment une dense couverture végétale sur les berges ensoleillées. En été, les ombelles blanches de la ciguë, de l’œnanthe et les fleurs crème des reines des prés reçoivent la visite de libellules comme le caloptéryx vierge qui pond ses œufs dans les eaux limpides. Le caloptéryx éclatant voltige également parmi la végétation riveraine, les ailes marbrées du mâle lui conférant en vol une certaine ressemblance avec un papillon. Les fleurs roses de l’épilobe en épis ajoutent des couleurs qui émaillent les rives tout au long de l’été.
On observe souvent qu’un grand nombre de cours d’eau calcaire, habitats jadis florissants, se réduisent à un filet d’eau en été ou se transforment en eaux stagnantes qui ne peuvent pas absorber l’oxygène de l’air. Ces mares se réchauffent facilement et leurs habitants meurent par manque d’oxygène. Ce problème préoccupant sera à résoudre par une gestion respectueuse des ressources en eau de notre pays.
Propre et sereine
L’ancyle prospère dans les eaux claires des cours d’eau calcaire. Menant une vie sédentaire, fixé sur le fond de graviers, ce mollusque se nourrit en filtrant l’eau et se développe dans les eaux claires des cours d’eau calcaire, alors que son appareil buccal délicat se boucherait dans les rivières comportant davantage de sédiments. Les plantes aquatiques telles que la renoncule aquatique, le cresson de fontaine et la callitriche des marais croissent également en abondance dans ce milieu naturel.
Des bancs de petits poissons tels que vairons et épinochettes fréquentent les rives peu profondes et constituent des proies pour les grèbes castagneux qui nichent dans le couvert végétal des berges. Sur le lit du cours d’eau sont tapis des chabots, tandis que des larves de trichoptères tentent de leur échapper en se cachant derrière de minuscules fragments de graviers.
Les roches les plus grosses placées au centre battu par les remous du cours d’eau rapide offrent d’excellents postes de guet pour les bergeronnettes des ruisseaux happant les insectes qui volent près de la surface de l’eau. Des hérons cendrés explorent les eaux peu profondes, harponnant de leur long bec les poissons qui nagent à leur portée. De temps en temps, un bruit d’eau signale une truite saisissant un insecte à la surface. Les taches violacées sur les flancs la rendent facile à reconnaître dans les courants peu profonds. La truite est parfois difficile à voir, sauf quand plusieurs individus se rassemblent dans les eaux peu profondes pour frayer. En période de frai, ces poissons sont souvent rejoints par des ombres affamées qui s’emparent de tout œuf libéré dans l’eau.
Lors des chaudes soirées du mois de mai jusqu’en août, l’émergence des éphémères adultes est un spectacle bien connu. Si l’entomologiste sait reconnaître les diverses espèces d’éphémères, toutes ont un cycle biologique comparable et se ressemblent.
Les nymphes d’éphémères, aisément reconnaissables à leur queue trifide (trois longs appendices), sont aquatiques et leur développement nécessite trois ans pendant lesquels elles s’alimentent parmi les plantes et les graviers des cours d’eau calcaire.
Sensibles à la pollution, elles constituent un bon indicateur biologique de la santé du cours d’eau. Les nymphes se hissent hors de l’eau puis puent, parfois à deux reprises, avant d’émerger ensemble, en tant qu’individus adultes et ailés qui s’envolent alors pour rejoindre les vastes essaims de reproduction des éphémères dansant au-dessus de l’eau. La période de vol des éphémères est très brève, occasionnellement quelques heures seulement, beaucoup d’entre elles sont victimes des prédateurs.
Les Hôtes riverains
L’ombre des arbres qui surplombent l’eau ainsi que les profondes cavités creusées par le courant sur les rives sont des caractéristiques importantes de cet habitat qu’est le cours d’eau calcaire. Les branches basses dispensent une ombre tamisée sur la surface et sont des postes de guet appréciés par les martins-pêcheurs. Ces oiseaux au plumage éblouissant se penchent volontiers sur des rameaux nus dans des endroits plus ensoleillés. Ils choisissent souvent de nicher sur les longues rives rectilignes et très basses, là où l’entrelacs des racines d’un saule ou d’un aulne est apparent.
Ils creusent leur galerie dans la terre meuble, retenue par les racines. Quand la rive est plus haute, ces oiseaux creusent leur galerie dans la paroi verticale, assez haut au-dessus des eaux agitées pour éviter que leur nid ne soit inondé. Les rats d’eau creusent aussi la rive et prélèvent leur nourriture dans la végétation touffue qui pousse sur les berges. C’est là, parmi les plantes riveraines, que se réfugie également la loutre farouche pour se reposer dans la journée. Dans notre pays, les cours d’eau calcaire sont un habitat idéal pour la population croissante des loutres.
Les secrets des Gressonnières
La récolte du cresson de fontaine dans les mares et les ruisseaux des plaines se pratique depuis des siècles. Les feuilles de cette plante au goût légèrement poivré restent d’un vert intense durant tout l’hiver. Autrefois, ce légume, riche en vitamine C et en fer, s’est révélé un complément précieux dans le menu assez monotone des paysans.
La culture du cresson a favorisé la multiplication des cours d’eau calcaire où pousse cette plante. Les cours d’eau calcaire où pousse cette plante. Les cours d’eau calcaire sont un milieu parfait pour le cresson. Alimentées par les eaux souterraines, ces cours d’eau sont peu affectés par une diminution des précipitations, sauf en période de sécheresse. La température de l’eau restant à peu près constante, cet habitat et la cressonnière gèlent rarement. Lors des hivers les plus rigoureux, les eaux de source ont parfois quelques degrés de plus que l’air ambiant, ce qui offre une sécurité supplémentaire pour la faune variée de cet habitat.
En été, la cressonnière déborde d’activités. On voit de gros pigeons ramiers pataugeant dans l’eau pour se gaver de ces feuilles. Reconnaissables à la tâche blanche de leur croupion, les poules d’eau nagent dans le sens du courant ou à contre-courant, happant les petits vertébrés qui vivent parmi les feuilles de cresson.
Sous la surface, des crevettes d’eau douce se rassemblent par milliers. Ces crustacés se déplacent latéralement et se nourrissent des débris organiques qui s’accumulent dans les zones où le courant est plus lent ; ils peuvent être très nombreux. Les isopodes d’eau douce et les sangsues ne manquent pas non plus dans les mares peu profondes de la cressonnière.
En hiver, quand de nombreux ruisseaux des environs gèlent, la cressonnière où foisonnent des proies bien accessibles attire irrésistiblement les oiseaux les plus farouches. Le râle d’eau, dont le cri ressemble à celui du cochon et qui est entendu bien avant qu’on ait vu l’oiseau, émerge de la végétation touffue pour chercher sa nourriture dans la cressonnière.
Avec son plumage marbré de brun, la bécassine est difficile à repérer dans la haute végétation, mais son corps massif ressort sur le vert lumineux du cresson. La cressonnière est aussi une aire d’hivernage appréciés par des migrateurs de passage, comme les chevaliers cul-blanc qui peuvent y reprendre des forces avant le long voyage de retour vers leur aire de reproduction située au nord de l’Europe.
Tapis sur le fond
Dans les méandres d’une rivière par exemple, l’eau tourbillonnante forme des bassins profonds et c’est là, parmi les racines enchevêtrées des aulnes et des saules, que se tiennent certains des plus grands prédateurs des cours d’eau calcaire. La truite et le chevesne, trop gros pour nager dans les eaux peu profondes, demeurent dans les eaux turbulentes derrière les racines d’arbres et les gros rochers. Les chevesnes profitent de la moindre proie qui passe, que ce soit une grosse chenille tombée d’un rameau, un vairon imprudent ou un alevin séparé de son banc.
Les perches de grande taille patrouillent près des rives touffues du cours d’eau à la recherche d’alevins, de vers et de crustacés. Leurs écailles verdâtres à rayures verticales sombres leur offrent un camouflage idéal dans l’épaisse végétation aquatique d’où ils guettent leurs proies. Mais, ce sont les bassins les plus profonds qui abritent le brochet, le plus grand prédateur des cours d’eau calcaire. Son corps long et musculeux associé à ses puissantes mâchoires lui permettent de capturer toutes sortes de proies. Spécialisés dans des poissons tels que le gardon, la vandoise et la truite, les grands brochets attrapent aussi des grenouilles, de jeunes oiseaux et même des rats d’eau.
La plus petite des lamproies de rivière, la lamproie de Planer, est signalée un peu partout en France (sauf en Corse et en particulier dans le Nord). Son corps ressemblant à celui de l’anguille, ses rangées d’orifices branchiaux, l’absence de nageoires pectorales et pelviennes ainsi que sa bouche en forme de ventouse lui confèrent un aspect étrange, différent de celui de la plupart des poissons. La lamproie de Planer est la seule lamproie qui ne quitte pas les eaux douces tout au long de sa vie d’adulte, menant une existence nocturne dans les zones les plus rapides des cours d’eau calcaire.
De la mi-avril à la fin juin, quand la température de l’eau est encore basse et que l’oxygénation est élevée, les lamproies adultes se rassemblent en grand nombre dans les zones peu profondes et à courant lent des cours d’au afin de s’accoupler et de pondre. les alevins éclosent et restent enfouis dans la vase jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour prendre leur place dans la faune variée et animée de cet habitat d’eau douce.
Observez la nature :
Où explorer des cours d’eau calcaire ?
- Les meilleurs cours d’eau calcaire se trouvent dans certaines régions de l’Est, du Centre et du Sud-Ouest. Beaucoup sont des rivières recherchées par les pêcheurs, où les intrus ne sont pas les bienvenus. Restez dans les zones réservées au public, à partir desquelles des cours d’eau peuvent être explorés.
- Dans le Jura, des rivières émergent de plateaux calcaires. Claires et bien oxygénées, elles hébergent les truites appréciées des pêcheurs à la mouche.
- Le département du Lot comprend des terrains calcaires dont les rivières, oxygénées et vives, sont des habitats de prédilection pour les poissons comme la truite.
- Le parc régional du Périgord-Limousin montre un milieu calcaire, avec des vallées boisées et un paysage de cultures, de prairies humides et de roselières. La vallée de la Nizonne présente de nombreux bras morts où l’iris faux-acore forme de véritables colonies.
- Le pays Tronçais (dans le département de l’Isère) est constitué d’un milieu calcaire soumis à l’érosion des eaux (milieu karstique).