Les singes du nouveau monde
Également appelés phatyrrhiniens, les singes du nouveau monde habitent exclusivement les régions tropicales d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. On les sépare en quatre (voire trois) groupes principaux. Le groupe des Callithricidés est composé de trente espèces (ouistitis et tamarins) avec un nombre particulièrement élevé d’espèces de très petite taille (pesant de 200 à 300 g).
Leur façon de trottiner à travers la basse végétation des forêts du bassin amazonien, tout en gazouillant sans discontinuer, fait immanquablement penser à des oiseaux. Ils s’approprient effectivement les niches écologiques d’ordinaire occupées par les oiseaux frugivores, de fait particulièrement peu nombreux dans les forêts d’Amérique du Sud. Suit le groupe de Pithécinae, qui comprend une trentaine d’espèces légèrement plus grandes, comme le titi, le saki et le douroucouli (un singe nocturne).
Les vingt espèces de singes restantes d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud forment les deux autres groupes, les Cébidés (dont le capucin et le singe-écureuil) et les Atélinae (dont le singe-araignée et le singe hurleur). On y trouve en outre les plus grands singes du nouveau monde (jusqu’à 10 kg).
L’horloge moléculaire :
Après la découverte de la molécule d’ADN par frandis Crick et James Watson en 1958, les scientifiques purent établir les liens de parenté entre les espèces en comparant leur ADN. Au fil des milliers d’années d’évolution, des changements aléatoires, appelés mutations, ont modifié l’ADN de chaque espèce. Si les chercheurs parviennent à évaluer le rythme auquel ces mutations sont survenues, ils connaissent aussi l’époque à laquelle deux espèces se sont séparées de leur ancêtre commun. On appelle cette technique “l’horloge moléculaire”.
L’horloge moléculaire a, dans certains cas, transformé notre compréhension sur l’évolution des primates. Notre propre relation avec nos plus proches cousins, les grands singes, en est l’un des exemples les plus frappants.
La classification traditionnelle, fondée sur les similitudes d’ordre physique, séparait les hominoïdes (primates de type humain) en deux groupes : la famille des grands singes (chimpanzés, gorilles, orangs-outans) et l’homme (ainsi que, bien sûr, nos ancêtres fossiles). Notre groupe formait une famille à part, supposée s’être séparée de la branche des grands singes, il y a quelque 15 millions d’années. Mais, l’horloge moléculaire a révélé que l’homme et les deux espèces de chimpanzés avaient encore un ancêtre en commun il y a 5 millions d’années. L’ancêtre commun de ces trois espèces et du gorille vécut peut-être 1 million d’années plus tôt. L’orang-outan figure à part, s’étant séparé des autres grands singes, il y a environ 15 millions d’années.
Ainsi, loin de trôner majestueusement sur quelques pinacles, nous sommes en fait des membres somme toute ordinaires de la famille des grands singes africains. Selon les termes du biologiste Jared Diamond, nous ne sommes à la vérité que la troisième espèce de chimpanzé.
Les simiens de l’ancien monde
Les simiens de l’ancien monde se répartissent eux-mêmes en deux grands groupes : les singes de l’ancien monde (ou catarrhiniens), et les grands singes (auxquels appartient l’homme). Ces derniers se distinguent par leur absence de queue et leurs molaires spécifiques. Ils tendent en outre à être plus corpulents (de 30 à 100 kg), et leur cerveau est généralement plus développé. L’homme mis à part, il existe aujourd’hui quatre types principaux de grands singes.
Les petits sont les gibbons, dont les huit ou neuf espèces (selon les critères) se rencontrent exclusivement en Indochine et sur les îles de l’insulinde (indonésie et Bornéo). Les trois autres types sont l’orang-outan, le gorille (une espèce chacun) et le chimpanzé (deux espèces) ; ce sont eux que l’on appelle vraiment grands singes. L’orang-outan n’a élu domicile que dans les îles du Sud-Est asiatique, tandis que les autres ne vient qu’en Afrique.
En revanche, on compte quelque 90 espèces chez les singes de l’ancien monde, qui ont colonisé toute l’Afrique et toute l’Asie, et ont même un pied en Europe, à Gibraltar.
Eux aussi se déclinent en deux grands groupes : les Colobinés et les Cercopithécinae, présents partout dans l’ancien monde.
Typiquement folivores, les colobinés forment la plus ancienne lignée. Les espèces asiatiques et africaines appartiennent à deux groupes distincts, respectivement les langurs et les colobes. Frugivores, les Cercopithécinae sont, quant à eux, d’origine plus récente, ce qui peut expliquer leur grande diversité.
Les deux sous-groupes des macaques et des cercopithèques comptent chacun plus de 20 espèces. Les cercopithénae (dont les babouins et les mangabeys) manifestent une grande faculté d’adaptation et une grande intelligence, ils sont très sociables. Au contraire de la plupart des espèces de primates, ils s’accommodent souvent bien de la proximité des hommes.
Des primates nuisibles
Si la plupart des espèces de primates sont menacées d’extinction par l’homme, à leur tour, elles mettent parfois en péril d’autres espèces animales. Après avoir été introduits dans certaines îles par l’homme, délibérément ou accidentellement, des primates se sont mis à prospérer dans leur nouvel environnement, un peu à la manière des anciens lémuriens à Madagascar.
Les populations de macaques sur l’île Maurice, dans l’océan Indien, et à Porto Rico, aux Caraïbes, sont ainsi considérables. Quant aux vervets africains, ils prospèrent largement sur les îles de la Barbade et de Saint-Kitts aux Antilles. Dans la plupart des cas, les singes sont devenus une nuisance pour les agriculteurs, et une menace sérieuse pour les animaux et les plantes originaires des îles, les menant occasionnellement au bord de l’extinction. Ce qui se passe à l’île Maurice illustre bien l’ampleur du problème. Au début du XVIIIe siècle, on y libéra une demi-douzaine de macaques à longue queue. Trois cents ans plus tard, on en dénombre plus de 30 000, en dépit de ceux éliminés par les fermiers.
Ces invasions soulèvent un problème éthique : devons-nous exterminer les populations parce qu’elles ont été importées et qu’elles nuisent à la flore et faune locales ; ou notre devoir est-il de les y laisser, même si l’homme les a introduites lui-même ?