l’hermine, rapide comme l’éclair
Dans le règne animal, rares sont les prédateurs qui tuent des proies plus grandes qu’eux. D’une rapidité fulgurante, l’hermine est une redoutable exception qui s’en prend à des animaux beaucoup plus gros qu’elle.
De l’hermine, on n’a souvent vu que la traînée couleur sable qu’elle semble laisser en traversant la route ; pourtant il s’agit d’un des carnassiers indigènes les plus communs et les plus répandus dans notre pays. Présentes sur l’ensemble du territoire français (sauf dans le sud), les hermines se rencontrent là où elles trouvent assez de nourriture et de cachettes. Elles sont réputées pour être des prédateurs agressifs et sournois. Leur fourrure d’hiver (blanche) est très recherchée en pelleterie pour les robes d’apparat des têtes couronnées et des magistrats.
Sinueuse beauté
Malgré leur mauvaise réputation, les hermines sont de très petits carnassiers au corps grêle et ne pesant pas plus de trois cent cinquante grammes. De la queue au museau, elles mesurent entre trente-cinq et quarante centimètres, dont huit à dix centimètres pour leur fine queue. En été, le pelage du dos est d’un brun sable tirant sur le roux et leur ventre blanc crème. Leur queue se termine par un pinceau de poils noirs qui se hérissent quand ces animaux sont excités. Par temps de neige, la fourrure des hermines peut virer au blanc pour les protéger des prédateurs.
Les hermines sont en perpétuel mouvement ; leurs excréments sont très espacés. Elles marquent leur territoire de fines déjections tournées en spirale, de quatre à huit centimètres de long, qui contiennent quelques poils et quelques plumes.
Elles s’installent dans des anfractuosités de rochers, des trous d’arbres ou de murets mais usurpent parfois les nids ou les terriers d’autres espèces, dans lesquels elles emménagent le plus souvent après avoir tué et dévoré le précédent locataire.
Parfois visibles dans la boue ou la neige poudreuse, leurs empreintes à cinq doigts font environ deux centimètres de long pour les pattes antérieures, et deux centimètres et demi de large sur cinq centimètres de long pour les pattes postérieures. Les hermines sont l’un des mammifères les plus difficiles à pister, à moins d’avoir la chance de se trouver au bon endroit et au bon moment pour en apercevoir une en quête de nourriture.
Les hermines ont des besoins énergétiques très élevés car, du fait de leur forme mince et allongée elles perdent rapidement leur chaleur corporelle. C’est pourquoi ce sont des prédateurs voraces, capables de manger chaque jour près d’un tiers de leur propre poids. les lapins, base de leur alimentation, entrent pour les deux tiers dans leur régime alimentaire. Viennent ensuite les petits mammifères tels que souris, campagnols, poussins et oiseaux adultes. Les hermines mangent parfois des rats et même des écureuils, qu’elles poursuivent jusque dans leurs nids perchés sur de hautes branches. Bonnes nageuses, elles ne manquent pas non plus une occasion d’attaquer un oiseau aquatique.
Des bandes d’hermines
On a souvent signalé des hermines qui chassaient en bandes et on raconte que des paysans auraient été poursuivis par des hermines en colère. Les hermines ne sont pas des animaux grégaires et ces groupes sont sans doute des jeunes partant pour la première fois en quête de nourriture. Si elles sont dérangées, les mères déplacent leurs petits d’une tanière à une autre. Quant à ces “chasses à l’homme”, les hermines sont certes capables de se défendre si elles se sentent acculées ou si leurs petits sont menacés, mais rien ne prouve que ces animaux soient prêts à attaquer l’homme sans avoir été provoqués. C’est le caractère joueur et la curiosité des jeunes hermines qui ont donné lieu à ces légendes.
Tueurs minutieux
Lorsqu’elles sont à la recherche de nourriture, les hermines inspectent les moindres recoins en quête d’indices signalant une proie. Elles furètent partout et à toute allure, reniflant la moindre touffe d’herbe et visitant chaque terrier de lapin. Dès qu’elles trouvent une souris ou toute autre proie, celle-ci est tuée d’un coup de dents rapide et précis derrière le cou. Les proies plus volumineuses exigent plus d’efforts et, lorsqu’ils s’en prennent à des lapins ou à des gros oiseaux, ces petits prédateurs risquent eux-mêmes d’être blessés.
Les hermines ne se découragent pas facilement et n’hésitent pas à s’en prendre à des lapins adultes bien plus gros qu’elles. On ne sait pas si les lapins et autres animaux de cette taille sont victimes du coup de dents de l’hermine ou de la frayeur provoquée par son attaque. Les performances de chasse de l’hermine suffisent à entretenir sa réputation de dangereux prédateur.
Leur technique de chasse efficace place ces mustélidés en concurrence avec l’homme qui les piège et les tue depuis fort longtemps. Les gardes forestiers posent des pièges pour essayer de contrôler le nombre d’hermines et de diminuer leur prédation dans les nids des gros oiseaux chassés également par l’homme.
Ce qui déplaît aux chasseurs et aux propriétaires de poulaillers, c’est l’habitude qu’a ce mustélidé de tuer autant de proies que possible. Dans une basse-cour ou dans une faisanderie, les hermines tuent autant d’animaux qu’elles le peuvent. Ceci a fait dire que les hermines tuaient par plaisir : en réalité, elles ne font que se prémunir contre les aléas de l’avenir. Si elles en ont le temps, elles emportent les cadavres de leurs victimes pour les mettre en lieu sûr, car il est toujours utile de disposer de réserves en cas de coup dur.
Hermine ou belette ?
L’hermine est parfois confondue avec sa cousine la belette, surtout quand on aperçoit très brièvement l’animal. Ces deux mustélidés sont de petits prédateurs longiformes, avec le dos sable ou châtain et le ventre clair. Mais, les hermines sont beaucoup plus grandes que les belettes. L’hermine a à peu près la taille d’un petit écureuil, alors que la belette — environ deux fois la taille d’une souris — est nettement plus petite. Chez l’hermine, la ligne de démarcation entre la fourrure sombre du manteau et celle, claire, du ventre est une ligne droite, alors que c’est une ligne brisée chez la belette. Par ailleurs, les hermines ont le ventre couleur crème, alors que celui des belettes est blanc. La queue de l’hermine est beaucoup plus longue que celle de la belette, qui n’a pas le “pinceau” de poils sombres de l’hermine. De loin, si la queue est bien visible, il y a de fortes chances pour que ce soit une hermine.
Petites mais parfaites
L’évolution a conféré aux hermines un avantage par rapport à d’autres prédateurs plus grands. Elles sont si petites qu’elles peuvent poursuivre leurs proies jusque dans leurs terriers. Ainsi, les lapins qui peuvent échapper aux renards et aux buses n’ont aucune chance avec les hermines. Même les souris et les campagnols, habituellement en sécurité dans leurs terriers étroits, peuvent y être poursuivis par les hermines femelles, plus petites que les mâles. Avec leur corps menu, elles fouinent un peu partout, mais peuvent aussi être la proie des renards, des chouettes et même des chats domestiques. En fait, l’extrémité noire de leur queue induit en erreur les chouettes et les renards en détournant leur attention du reste du corps, ce qui leur fait rater leur cible.
Afin de rivaliser avec les autres mâles et de conserver leur territoire, les hermines mâles deviennent aussi grosses que possible. L’inconvénient alors, c’est qu’ils ne sont pas toujours en mesure de satisfaire leurs besoins énergétiques et que, dès leur plus jeune âge, ils sont sensibles à la pénurie de nourriture. Les femelles ne doivent pas non plus prendre trop de poids, sinon elles ne pourraient plus chasser les petits rongeurs dans leurs terriers.
Même en période de gestation, les hermines femelles doivent garder leur mince silhouette. C’est pourquoi les jeunes naissent minuscules et sans défense. Les portées sont nombreuses, avec une moyenne de sept à neuf, mais parfois jusqu’à treize petits. Après la mise bas, les besoins énergétiques de la mère augmentent considérablement, notamment parce qu’elle élève seule ses petits. Au début, ses réserves sont consacrées à produire assez de lait et à maintenir sa progéniture au chaud. Lorsqu’elle quitte le nid pour aller se nourrir, le métabolisme des petits se ralentit (leur température baisse) pour économiser leurs forces jusqu’au retour de leur mère. À mesure qu’ils grandissent et qu’ils sont sevrés, leur mère passe plus de temps à chercher des proies pour leur rapporter de quoi subsister. Puis, ils apprennent à se débrouiller par eux-mêmes et gagnent en indépendance pour quitter le nid, se disperser et chercher leur propre territoire. La plupart des groupes familiaux se disloquent quand les jeunes ont atteint l’âge de quatre à six mois.
Les premiers mois sont difficiles pour les jeunes hermines qui viennent de quitter le nid ; beaucoup n’atteignent pas leur premier anniversaire. Les prédateurs, les parasites, les pièges et la circulation routière prélèvent un lourd tribut sur leur population. Mais, la première cause de mortalité reste la faim. Si les jeunes hermines ne parviennent pas à trouver et à défendre un territoire hébergeant suffisamment de proies, elles disparaissent rapidement. L’espérance de vie moyenne est de dix-huit mois et la plupart des individus meurent avant d’avoir pu se reproduire.
Pour trouver leur pitance, les hermines règnent sur des territoires vastes par rapport à leur petite taille. Un mâle peut ainsi occuper entre 20 et 100 hectares selon l’abondance des proies. Il doit défendre son territoire contre les mâles errants, en général des jeunes qui n’ont pas encore de territoire définitif. Le territoire d’un mâle recouvre plusieurs territoires de femelles, plus petits, et le mâle peut parcourir de grandes distances pour faire valoir ses droits sur ces femelles. Au printemps et en été, les mâles dominants se déplacent bien au-delà de leur domaine habituel, afin de s’assurer du plus grand nombre de partenaires possible.
En recul
En dépit des multiples dangers auxquels doivent faire face les hermines, ces animaux se reproduisent vite et mettent rapidement à profit les moindres conditions avantageuses. Pourtant, ces dernières années, leurs effectifs sont inférieurs à ce qu’on attendait. Quand la France fut ravagée par une épidémie de myxomatose dans les années 1950, les lapins furent décimés et les hermines, qui avaient perdu leurs proies principales, en pâtirent. Les populations de lapins se sont reconstituées et ne cessent d’augmenter encore aujourd’hui, mais les hermines ne semblent pas tirer parti de cette abondance de nourriture.
L’intensification des méthodes agricoles a des retombées négatives sur les populations d’hermines, qui sont également menacées par l’empoisonnement de certaines de leurs proies telles que les rats et les écureuils. Une gestion plus modérée des terres arables, associée à des méthodes agricoles plus respectueuses de l’environnement, empêchera peut-être un rapide déclin des hermines.
Une blancheur hivernale
Lorsque la neige s’installe, les hermines prennent un camouflage immaculé, à l’exception de l’extrémité de leur queue, qui reste noire. Cette fourrure d’hiver orne parfois les costumes d’apparat des monarques et de certains magistrats. En hiver, quand la température décroît, l’épiderme de l’hermine interrompt la production de pigments pendant la mue et le nouveau pelage apparaît blanc. Si la température change encore, alors que l’animal n’a pas fini de muer, la production de pigments reprend. Sous les climats, instables, le pelage de l’hermine est donc partiellement pigmenté, ce qui lui donne un aspect tacheté.
Une gestation différée
Le mode de reproduction des hermines comporte un phénomène curieux appelé gestation différée. Les hermines s’accouplent en été et les gamètes de la femelle sont immédiatement fécondés. Les cellules fécondées entrent dans une sorte de léthargie jusqu’au printemps suivant moment où elles s’implantent dans l’utérus et se développent. La gestation dure quatre semaines, mais il peut y avoir un décalage de onze mois entre l’accouplement et la mise bas. Pour compenser ce décalage, les hermines femelles sont particulièrement précoces. Peu après avoir mis bas, elles sont de nouveau réceptives et choisissent un nouveau partenaire. A la même époque, les jeunes femelles atteignent leur maturité sexuelle. Encore aveugles et sans défense, elles peuvent s’accoupler avec le même mâle que leur mère. Les croisements entre animaux de même souche sont évités parce que les mâles ne vivent pas assez longtemps pour être en contact avec leur progéniture.
Observez la nature
Où voir les hermines ?
- On les trouve dans les régions qui leur offrent des abris et de la nourriture. Les prairies naturelles, les garennes et les broussailles sont assez favorables. Les hermines chassent souvent les petits mammifères le long des murets de pierres sèches ou des haies. La fin de l’été est le meilleur moment pour les apercevoir.
- Les hermines se rencontrent dans toute l’Europe moyenne ou septentrionale, mais également dans une grande partie de l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et du Groenland. En France, elle est présente partout, sauf le long de la côte méditerranéenne et en Corse.
- L’altitude n’est pas un obstacle à l’implantation de ce petit mammifère qui, malgré sa taille, résiste assez bien aux rigueurs de l’hiver. C’est pourquoi dans les Alpes, par exemple, on la trouve jusqu’à 3000 m d’altitude.
- Elle est plus rare dans des régions comme l’Aquitaine et semble en régression dans certains départements comme la Nièvre.
- Les hermines sont parmi les premières victimes de la circulation routière. Surgissant comme l’éclair des bas-côtés pour traverser la route, elles sont fréquemment heurtées par les voitures qui sont plus rapides qu’elles.