Nos ancêtres les avaient pour voisins
vie sauvage

Nos ancêtres les avaient pour voisins

Un auroch aujourd’hui disparut

Nous avons déjà oublié la faune qui animait jadis nos provinces, comme si elle devait rester reléguée dans les musées pour toujours. Il s’agit pourtant d’espèces bien vivantes. Voici moins de deux mille ans, des milliers de phoques s’ébattaient encore sur nos plages et remontaient nos fleuves, des vols gigantesques d’oiseaux obscurcissaient le ciel, des hardes de bisons et d’aurochs hantaient nos forêts. La plupart ont été éliminées, car l’histoire des animaux est aussi celle de leur massacre.

Lorsque les légions romaines ont envahi la Gaule, des ours bruns se rencontraient encore dans la plupart de nos régions, y compris en Bretagne. Au Moyen Âge, les ours avaient déjà beaucoup régressé, mais des lynx et des loups étaient encore visibles partout. En 1900, nos derniers ours étaient cantonnés dans les montagnes, avec une population déjà exsangue dans les Alpes. Les lynx avaient quasi disparu, seuls les loups se maintenaient dans le Centre et l’est. Dans les années 1930, ces derniers ont été totalement éradiqués.

Comme les carnivores terrestres, les rapaces ont été supprimés par tous les moyens : pièges, fusils, poison, destruction au nid. Qui croirait aujourd’hui que les aigles royaux survolaient jadis nos forêts de plaine ? Suivant une régression semblable à celle des ours, les derniers aigles se sont réfugiés dans les montagnes inaccessibles. Là où ces magnifiques animaux ont disparu. Il ne reste d’eux que des noms de lieux, souvenirs persistants des fantômes de notre faune : un “bois des Aigles” à Chantilly ou un “rocher des Aigles” à Fontainebleau, “la Bourdinière saint loup” en Beauce, “chantelauve” dans le Limousin, et de nombreux “saint martin” pour l’ours…

Les herbivores n’ont pas connu un meilleur sort que les prédateurs. Après avoir été éradiqués, les bisons ne sont aujourd’hui acceptés sur notre territoire que dans des parcs, et les élans ne sont pas revenus. L’aurochs, quant à lui, a été rayé de la surface de la planète. Le plus grand ruminant sauvage de France, de Suisse et de Belgique reste le majestueux cerf élaphe. Après la Révolution française, il avait presque disparu de l’Hexagone, mais des mesures de réintroduction lui ont permis de retrouver une partie de ses effectifs. Nous avons assisté à la réinstallation du grand cerf, d’autres espèces devraient suivre….

Le ré-ensauvagement ne consiste pas évidemment pas à retourner au Moyen Âge, mais bien à freiner le massacre continu que l’humanité n’a cessé d’imposer au reste du vivant. Avant d’atteindre le seuil irréversible du dernier ours ou du dernier lynx, nous avons le devoir moral de restaurer cette vie sauvage dont nous sommes issus, et dont dépend toujours notre santé physique et mentale. Le bien-être de l’homme ne repose pas sur la destruction des animaux, mais bien sûr des rapports harmonieux avec une nature riche et vivante. Elle est aussi la source de nos arts, de notre imaginaire et de notre créativité.

La France recèle encore de beaux milieux naturels susceptibles d’abriter les animaux sauvages, comme ici dans les Hautes-Vosges.

Aucune personne sensée n’a envie de voir la nature stérilisée, privée de ses plus belles espèces, perdues à jamais. Les prédateurs sont plébiscités par la grande majorité des citoyens. En septembre 2013, un sondage demandé par les associations ASPAS (association pour la protection des animaux sauvages) et One Voice, et réalisé par l’IFOP, montrait que 76% des Français considèrent que le loup a toute sa place dans la nature, et que 80% sont farouchement opposés à son éradication. En mars 2018, un sondage IFOP commandé par 14 associations révèle que 73% des Pyrénéens et 84% des Français sont favorables à des lâchers d’ours dans leurs montagnes. On ne peut pas faire plus consensuel….

Voulus par le peuple français, nos animaux sauvages survivent tant bien que mal dans l’Hexagone, et ils ont besoin de notre protection active. Ces 5 animaux emblématiques pourraient bien avoir une succession, si un jour l’élan ou le bison d’Europe étaient de retour dans les grands espaces de France, comme ils le sont déjà en Allemagne et ailleurs : l’histoire est en marche, et peut-être la logique de destruction est-elle en train de faire place à l’harmonie. C’est tout ce que l’on souhaite aux générations futures.

 

Au XXie siècle, le temps des “bêtes sauvages” et des fauves assoiffées de sang” est révolu. Nous ne craignons plus les “créatures ” qui rôdent dans la forêt, la jungle ou l’océan. Nous savons bien que les seuls “grands méchants” qui nous menacent de mort sont aux commandes d’une kalachnikov, d’une ceinture d’explosifs ou d’une bombe atomique ; d’une société de production de pesticides ou de tabac ; plus simplement d’un bolide automobile dans la rue ! “

Yves Paccalet, Eloge des mangeurs d’hommes
 

 

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