Vie sauvage

Dans les profondeurs d'une forêt de mélèzes

Dans les profondeurs d’une forêt de mélèzes

Planté pour ses qualités ornementales, le mélèze apporte un certain exotisme à nos paysages. Bien des espèces animales et végétales trouvent un abri sous le couvert tamisé de ces forêts.   Les plantations de conifères ont souvent mauvaise presse auprès des conservateurs d’espaces naturels parce que les espèces utilisées sont d’origine étrangère et de peu de valeur pour la faune et la flore indigènes. En plus, ces arbres sont fréquemment plantés aux dépens de la flore et de la faune locales et, ordonnés en un simple alignement, ils heurtent le sens esthétique. Pourtant, tous les conifères ne méritent pas d’être rejetés et, pour beaucoup de gens, les forêts de mélèzes sont des plantations très acceptables. Pourvus d’aiguilles cathodiques, ces arbres ont une croissance comparable à nombre de nos essences feuillues et se fondent donc bien dans le paysage. En outre, le renouvellement saisonnier des feuilles permet à une flore d’une surprenante richesse de s’épanouir au sol. Ajoutez à cela une variété d’oiseaux forestiers et une profusion d’espèces de champignons d’automne, et vous obtenez un habitat qui mérite plus qu’un coup d’œil. La plupart des forêts de mélèzes sont composées de mélèzes d’Europe, essences élégantes à port rectiligne, originaires des Alpes et des Carpates. Ils ornent aussi les vastes parcs arborés des riches demeures. L’enthousiasme avec lequel le mélèze fut accueilli était justifié par son feuillage d’un vert frais au printemps et ses teintes mordorées en automne. Mais, on prit vite conscience des qualités matérielles du bois de mélèze, ce qui fit de cette espèce l’une des favorites pour les plantations de conifères. Ainsi, de vastes forêts de mélèzes ont été plantées il y a deux siècles. Plantations ensoleillées Avec un peu d’attention, les plantations de mélèzes peuvent être intéressantes pour les botanistes amateurs. Les bordures des sentiers ouverts sont les endroits les plus riches, notamment du fait de l’abondant ensoleillement du sol qui favorise la croissance végétale. Les mélèzes ont également un impact sur la strate herbacée — les fleurs — qui se développe en dessous. Comme les autres conifères, ils ont des aiguilles résineuses qui se décomposent très lentement. Au fil des années, des couches s’accumulent et, au cœur des plantations les plus denses, la croissance des plantes herbacées est parfois compromise, voire étouffée. Mais là où les arbres sont plus espacés, les plantes basses se développent bien. Par rapport à d’autres arbres, les mélèzes tolèrent toutes sortes de sols et peuvent donc être plantés dans divers environnements, depuis les coteaux calcaires jusqu’aux versants tourbeux et aux terrains sablonneux ou caillouteux. Les fleurs qui poussent sous leurs frondaisons reflètent la géologie et l’orientation de la zone en question et il y a de fortes chances qu’elles ressemblent aux fleurs des forêts de feuillus et des haies indigènes voisines. Dans les plaines, les plantes les plus typiques des sols sont des espèces ubiquistes telles que la ronce, la stellaire hollostée et peut-être la ficaire fausse renoncule. Dans certains endroits à sol calcaire ou neutre, se déploient des tapis de campanules souvent mêlées à des espèces telles que l’euphorbe des bois, l’anémone des bois et la mercuriale vivace. Mais, sur les sols acides ou de montagne, la végétation basse est dominée par l’airelle et la bruyère. Si le printemps est la saison des fleurs dans les forêts de mélèzes, l’automne est bien celle des champignons ; leur abondance est l’un des points forts de cet habitat. De début septembre à fin novembre, les carpophores et autres types de champignons se fraient un chemin à travers le tapis d’aiguilles qui jonchent le sol de la forêt, à moins qu’ils ne surgissent des troncs en décomposition. Les invertébrés Si les plantations de mélèzes semblent parfois dénuées de populations d’invertébrés, les forêts matures, entrecoupées de sentiers ouverts et ensoleillés, abritent diverses espèces semblables à celles qui peuplent les milieux indigènes voisins. Ainsi, dans les régions boisées par exemple, vous pouvez vous attendre à trouver des mouches-scorpions et des papillons tels que les tircis et les amaryllis, butinant sur les fleurs de la forêt et les buissons de ronces. Les sirphes seront sans doute plus caractéristiques des régions situées à une altitude élevée. Parmi ces espèces, un petit nombre ont un mode d’alimentation spécialisé. Passant souvent inaperçus en raison de leur petite taille, des pucerons sont présents en grand nombre pendant l’été. Des espèces telles que Adelges abietis sont la nourriture favorite de la coccinelle aphidecta obilitera. Jaillissement de vie Parmi ces champignons qui disséminent leurs spores sous leurs chapeaux au lieu de lamelles, le bolet élégant, suillus grevillei, au chapeau orangé, est l’un des plus répandus et des plus caractéristiques. Plusieurs autres espèces de suillus sont aussi communes, de même que des cousins proches du genre boletus, dont le bolet bai, boletus badius. Nombre de champignons qui poussent dans les forêts de mélèzes ont des lamelles et le lactaire roux, qui secrète un suc laiteux, est un élément familier de cet habitat, ainsi que plusieurs autres membres de la famille Lactarius. D’un point de vue esthétique, c’est le tricholome rutilant qui remporte la palme avec son champignon fibreux rouge et jaune. Une mention particulière revient au théléphore terrestre, thélephora terrestrés, et à la colocère visqueuse, calocera viscosa, qui poussent sur le sol de forêts avant en partie brûlé et dont l’aspect dénote par rapport aux champignons classiques. Les forêts de mélèzes n’abritent pas une aussi grande variété d’oiseaux que les forêts de feuillus indigènes et la plupart des espèces observées sont déjà communes et répandues ailleurs, tels les merles, les rouges-gorges et les mésanges bleues. Cependant, les mésanges charbonnières trouvent les forêts de mélèzes plus à leur goût et elles peuvent même y nicher lorsque les arbres sont assez matures pour présenter des cavités. Le chant délicat du roitelet huppé filtre à travers le feuillage au printemps et au début de l’été. Héraut du crépuscule Si vous vous promenez jusqu’à la tombée de la nuit dans une forêt de mélèzes reculée, vous entendrez peut être les cris d’appels en vol des bécasses des bois. Vous découvrirez même éventuellement un nid dissimulé parmi les aiguilles qui jonchent le sol. Vous aurez peut-être aussi la chance d’apercevoir dans l’obscurité la silhouette spectrale d’un hibou moyen duc en train de longer en vol un sentier.  Cette espèce niche parmi les mélèzes plus fréquemment qu’on ne pourrait s’y attendre si l’on en juge d’après la difficulté à l’observer. Le bec croisé est associé aux mélèzes et aux autres conifères par son mode d’alimentation. Ses mandibules dont les extrémités se chevauchent, sont adaptées à l’extraction des graines des cônes et, sans les forêts de mélèzes, cette espèce serait moins commune chez nous. Les mélèzes d’Europe et du Japon procurent l’essentiel de la nourriture des becs-croisés mais cette importance est saisonnière. Les cônes de ces deux arbres mûrissent en automne et produisent des graines tout au long de l’hiver, période de pénurie alimentaire. En l’absence de l’une de ces sources de nourriture saisonnière, il n’est pas certain que les populations de becs-croisés se maintiendraient à leur niveau actuel. Pour l’heure, ces oiseaux sont souvent contraints de se disperser largement lors de mouvements saisonniers visant à repérer de nouvelles aires nourricières. Observez la nature Où voir des forêts de mélèzes ? Les plantations de mélèzes sont dispersées sur à peu près tout le territoire Des mélèzes entourés de chênes rouges, de séquoias et de cèdres peuvent être vus à l’arboretum d’Amance en Meurthe-et-Moselle. Le mélèze d’Europe vit dans toutes les Alpes jusqu’aux Carpates. En France, on le trouve en abondance dans le Briançonnais, l’Embrunais et le Champsaur. D’une longévité remarquable, le mélèze peut vivre 300 à 500 ans. Il subsiste de rares peuplements de très vieux arbres dans le massif du Dauphiné. Les vénérables individus peuvent atteindre près de 800 ans et 2 mètres de diamètre. C’est un arbre élevé qui mesure 35 m de hauteur et pousse jusqu’à 2400 m d’altitude. Dans les Alpes, le mélèze d’Europe représente, selon les zones, entre 18 à 40% des essences présentes. C’est en Corrèze, en Haute-Vienne et dans la Creuse que l’on trouve le plus de mélèzes du Japon.    

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s'abriter

s’abriter

L’habitat désigne l’environnement dans lequel une espèce trouve tout ce dont elle a besoin pour vivre. Cet espace est limité si l’animal ne bouge que très peu, comme la patelle, il est plus étendu si l’animal doit chasser ou s’il migre l’hiver. L’habitat varie en fonction des habitudes et de l’alimentation : la mésange noire, par exemple, fréquente volontiers les forêts de pins, tandis que la mésange bleue préfère les bois de chênes. Le domaine vital et le territoire Si l’habitat est le type d’environnement qui convient à une espèce, le domaine vital correspond à l’aire nécessaire à la survie d’un individu : il offre à l’animal les éléments qui lui permettent de se nourrir, de s’abriter et de se reproduire. Le territoire est plus restreint : il est délimité et défendu par un groupe, un couple ou une meute. Certains animaux, comme les félins marquent leur territoire et le défendent en permanence ; d’autres, notamment les oiseaux, ne sont particulièrement agressifs et protecteurs qu’avant et après la naissance de leurs petits. Se fondre dans le décor : grâce à sa fourrure blanche, le renard polaire est presque invisible sur la neige. Le fennec, lui, a un pelage roux qui se confond avec les sables du désert. Les migrations : Les animaux migrateurs changent d’endroit à date plus ou moins fixe pour gagner des régions plus chaudes ou des lieux de reproduction. Pour cela, il leur arrive de parcourir de très longues distances. Ils ont donc alternativement deux types d’habitat. Des cours de survie : De nombreuses espèces vivent dans des conditions les plus extrêmes. Leurs plumes et leurs fourrures les protègent du froid ou de la chaleur excessive. L’hibernation, en ralentissant les fonctions vitales, permet d’attendre des jours meilleurs sans avoir à souffrir du froid ou de la faim. Certains animaux ont même appris à économiser l’eau.

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Nos ancêtres les avaient pour voisins

Nos ancêtres les avaient pour voisins

Nous avons déjà oublié la faune qui animait jadis nos provinces, comme si elle devait rester reléguée dans les musées pour toujours. Il s’agit pourtant d’espèces bien vivantes. Voici moins de deux mille ans, des milliers de phoques s’ébattaient encore sur nos plages et remontaient nos fleuves, des vols gigantesques d’oiseaux obscurcissaient le ciel, des hardes de bisons et d’aurochs hantaient nos forêts. La plupart ont été éliminées, car l’histoire des animaux est aussi celle de leur massacre. Lorsque les légions romaines ont envahi la Gaule, des ours bruns se rencontraient encore dans la plupart de nos régions, y compris en Bretagne. Au Moyen Âge, les ours avaient déjà beaucoup régressé, mais des lynx et des loups étaient encore visibles partout. En 1900, nos derniers ours étaient cantonnés dans les montagnes, avec une population déjà exsangue dans les Alpes. Les lynx avaient quasi disparu, seuls les loups se maintenaient dans le Centre et l’est. Dans les années 1930, ces derniers ont été totalement éradiqués. Comme les carnivores terrestres, les rapaces ont été supprimés par tous les moyens : pièges, fusils, poison, destruction au nid. Qui croirait aujourd’hui que les aigles royaux survolaient jadis nos forêts de plaine ? Suivant une régression semblable à celle des ours, les derniers aigles se sont réfugiés dans les montagnes inaccessibles. Là où ces magnifiques animaux ont disparu. Il ne reste d’eux que des noms de lieux, souvenirs persistants des fantômes de notre faune : un “bois des Aigles” à Chantilly ou un “rocher des Aigles” à Fontainebleau, “la Bourdinière saint loup” en Beauce, “chantelauve” dans le Limousin, et de nombreux “saint martin” pour l’ours… Les herbivores n’ont pas connu un meilleur sort que les prédateurs. Après avoir été éradiqués, les bisons ne sont aujourd’hui acceptés sur notre territoire que dans des parcs, et les élans ne sont pas revenus. L’aurochs, quant à lui, a été rayé de la surface de la planète. Le plus grand ruminant sauvage de France, de Suisse et de Belgique reste le majestueux cerf élaphe. Après la Révolution française, il avait presque disparu de l’Hexagone, mais des mesures de réintroduction lui ont permis de retrouver une partie de ses effectifs. Nous avons assisté à la réinstallation du grand cerf, d’autres espèces devraient suivre…. Le ré-ensauvagement ne consiste pas évidemment pas à retourner au Moyen Âge, mais bien à freiner le massacre continu que l’humanité n’a cessé d’imposer au reste du vivant. Avant d’atteindre le seuil irréversible du dernier ours ou du dernier lynx, nous avons le devoir moral de restaurer cette vie sauvage dont nous sommes issus, et dont dépend toujours notre santé physique et mentale. Le bien-être de l’homme ne repose pas sur la destruction des animaux, mais bien sûr des rapports harmonieux avec une nature riche et vivante. Elle est aussi la source de nos arts, de notre imaginaire et de notre créativité. Aucune personne sensée n’a envie de voir la nature stérilisée, privée de ses plus belles espèces, perdues à jamais. Les prédateurs sont plébiscités par la grande majorité des citoyens. En septembre 2013, un sondage demandé par les associations ASPAS (association pour la protection des animaux sauvages) et One Voice, et réalisé par l’IFOP, montrait que 76% des Français considèrent que le loup a toute sa place dans la nature, et que 80% sont farouchement opposés à son éradication. En mars 2018, un sondage IFOP commandé par 14 associations révèle que 73% des Pyrénéens et 84% des Français sont favorables à des lâchers d’ours dans leurs montagnes. On ne peut pas faire plus consensuel…. Voulus par le peuple français, nos animaux sauvages survivent tant bien que mal dans l’Hexagone, et ils ont besoin de notre protection active. Ces 5 animaux emblématiques pourraient bien avoir une succession, si un jour l’élan ou le bison d’Europe étaient de retour dans les grands espaces de France, comme ils le sont déjà en Allemagne et ailleurs : l’histoire est en marche, et peut-être la logique de destruction est-elle en train de faire place à l’harmonie. C’est tout ce que l’on souhaite aux générations futures.   Au XXie siècle, le temps des “bêtes sauvages” et des fauves assoiffées de sang” est révolu. Nous ne craignons plus les “créatures ” qui rôdent dans la forêt, la jungle ou l’océan. Nous savons bien que les seuls “grands méchants” qui nous menacent de mort sont aux commandes d’une kalachnikov, d’une ceinture d’explosifs ou d’une bombe atomique ; d’une société de production de pesticides ou de tabac ; plus simplement d’un bolide automobile dans la rue ! “ Yves Paccalet, Eloge des mangeurs d’hommes    

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Le retour des grands animaux sauvages

Le retour des grands animaux sauvages

En Afrique, les touristes en safari photo veulent absolument voir les  “animaux sauvages”, c’est-à-dire les cinq plus gros animaux : l’éléphant, le rhinocéros, le buffle, le lion et le léopard. Dans la nature préservée des immenses parcs africains, la grande faune a encore une place qu’elle a perdue depuis longtemps en France, en Suisse, et en Belgique, et dans d’autres pays d’Europe. Pourtant, malgré des siècles de destructions, des gros animaux sauvages et magnifiques existent toujours autour de nous. À partir de quelques îlots préservés, une reconquête est en cours : les grands fauves sont de retour. Et, ils s’adaptent à de nouvelles conditions. Ce phénomène de rewilding s’observe sur la planète entière, y compris dans un pays industrialisé comme la France. Voici la grande épopée du ré-ensauvagement de nos paysages, qui, souhaitons-le, ne fait que commencer. Le ré-ensauvagement soulève une question, celle de la modernité. On se prononce sans ambiguïté pour la défense de notre patrimoine naturel et culturel, pour la cohabitation entre les activités humaines et leur environnement, sans omettre d’intégrer les difficultés imposées par les prédateurs au pastoralisme. Mais, on ne peut pas réduire un enjeu aussi universel que l’avenir de la nature à ce seul élément, et il s’ouvre à d’autres perspectives. La question reste : quel prix sommes-nous prêts à payer pour accepter l’existence d’une vie sauvage, libre, indomptée, qui n’a que faire de nos intérêts économiques et qui peut poser des problèmes ponctuels ? Dans nos rapports guerriers à la nature, avons-nous nous-mêmes évolué depuis la préhistoire ? Un jour, sans doute, un tourisme d’observation des loups ou des ours sera possible en France, comme il l’est déjà chez nos voisins italiens ou espagnols. Cet écotourisme pourrait être extrêmement rentable, car il reste dans notre pays des territoires magnifiques, des écosystèmes variés, et il y a une forte demande sociale. Le loup peut rapporter des sous ! Dans cette perspective, faites un safari de découverte de notre patrimoine naturel le plus spectaculaire : “nos animaux sauvages” nationaux. C’est notre connaissance objective de ces majestueux animaux qui nous donneront envie de les préserver. On n’oublie pas pour autant des espèces moins connues, comme le chacal ou le tarpan, tout aussi précieuses et tout autant sources d’émerveillement.      

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Dans le sable et sous les roches

Dans le sable et sous les roches

Étoiles et piquants Les oursins tels que les spatangues appartiennent à l’embranchement des échinodermes (porteurs de piquants) qui ne comportent pas seulement la classe des échinides, mais aussi celle des astéridés (étoiles de mer), les ophiurides (ressemblant aux astéries, mais avec des bras démesurés et grêles) et les bolothurides (ou concombres de mer). Ils constituent l’un des groupes d’invertébrés marins les plus nombreux, succès qu’il faut attribuer d’abord à leurs remarquables appareils respiratoires et ambulatoires : les gouttières ambulacraires. Les extrémités des gouttières ambulacraires se modifient selon la fonction qu’elles doivent assurer, adoptant une forme pointue pour une activité sensorielle, arrondie pour la respiration, hérissée de piquants pour ramasser le sable et appliquer du mucus sur les parois du trou ou se munissant de ventouses pour la nourriture ou pour adhérer à des surfaces dures. Après avoir repéré la forme en étoile de l’entrée d’un entonnoir, il est possible d’extraire le spatangue qui en est l’architecte en enlevant délicatement le sable aux abords de l’entonnoir jusqu’à ce que l’on sente son corps globuleux. On peut ensuite ramasser l’animal afin d’examiner la structure de son corps. Au sommet de la coquille se trouve la zone qui permet de creuser et d’entretenir l’entonnoir. L’extrémité antérieure est munie d’un sillon qui guide la nourriture vers l’appareil buccal sur la face inférieure. Derrière la bouche se trouve une zone de piquants de forme élargie permettant l’animal de se déplacer. Enfin, la partie postérieure assure le drainage et l’évacuation des déchets. Replacez l’oursin sur le sable. Après quelques instants, il commencera à creuser le sable sur ses flancs, la partie antérieure basculera légèrement en avant et au bout de vingt minutes environ, l’animal aura entièrement disparu dans le sable. Une autre série de gouttières ambulacraires, situés vers l’arrière du corps, sont destinés à construire et maintenir un tube horizontal sur approximativement 10 cm, derrière l’animal. Le courant amenant l’eau dans l’entonnoir pénètre dans ce tube, emportant sur son passage les déchets qui s’infiltreront entre les grains de sable, canalisés comme par une gouttière. Les étoiles de mer et leurs proches parents, les ophiures, possèdent en général cinq bras, courts et robustes pour les premières, longs, souples et grêles pour les seconds. Tandis que l’étoile de mer commune vit au milieu des récifs et sous les rochers, l’ophiure s’aménage une petite cavité dans le sable, gardant juste l’extrémité de ses bras et le somment de son disque central saillant à la surface, à peine visibles. Le courant d’eau provoqué par les vibrations ciliaires pousse la nourriture et l’oxygène le long des bras vers l’appareil buccal et les branchies, tandis qu’un courant inverse évacue les déchets depuis le centre de l’animal. Mais, les ophiures, qui s’enfouissent également dans le sable, ont mis au point une autre stratégie pour maintenir ces courants essentiels. Elles vivent un peu plus profondément dans le sable (à 10 cm environ) mais l’extrémité de leurs longs bras peut encore dépasser à la surface. Deux des cinq bras assurent le flux centripète et un ou deux autres bras le flux centrifuge. Cela laisse le cinquième bras libre, enroulé sous le disque central de l’ophiure, comme au repos. En fait, il sert probablement à recharger ses glandes à mucus. Car fouir le sol est une activité qui demande beaucoup de mucus, pour s’opposer à l’abrasion des grains de sable tranchants et consolider le trou. Au bout d’un certain temps, un autre bras suspend son activité de pompage pour prendre la place du bras au repos. Les astéries et les ophiures sont loin d’être aussi répandues sur les plages de sable que les autres invertébrés. Si vous avez la chance de rencontrer une ophiure, notez combien les piquants de la face supérieure sont aplatis pour assurer une protection renforcée contre le sable. Retournez-la ensuite pour observer les rangées de gouttières ambulacraires le long de chaque bras, de l’extrémité jusqu’à l’appareil buccal. Mais, les invertébrés ne sont pas les seuls hôtes du sable. À marée haute, des poissons comme le gobie de sable se frayent un chemin jusqu’aux vagues de surface pour glaner des débris organiques. Si vous marchez au bord de l’eau à marée basse, vous apercevrez peut-être un éclair argenté, sans doute d’une anguille de sable qui s’est vite dissimulée dans le sable, tête la première, à une vitesse étonnante. Les anguilles de sable sont l’aliment de base de certains oiseaux marins. Invités payants  Une maison occupée, mais avec de l’espace disponible, est chose très recherchée. Le trou du spatangue, en particulier son vestibule toujours rempli d’eau, attire plusieurs résidents supplémentaires, parmi lesquels un minuscule bivalve, la coquille de Montagu. Pas plus de 4 mm de long, trois ou quatre de ces commensaux peuvent vivre dans l’habitacle de l’oursin, attachés à ce dernier par un faisceau de filaments-le byssus. Parfois, quand on ramasse un oursin, on peut voir ces mollusques qui pendent à l’arrière comme un minuscule mobile. Ils trouvent ici le gîte et le couvert et contribuent, de leur côté, à maintenir l’endroit propre. Les solens (ou couteaux) Ces animaux sont difficiles à observer vivants. Les extraire du sable n’est pas simple parce qu’ils se cassent très vite. Sur certaines plages, vous observerez peut-être d’habiles pêcheurs en train d’attraper des couteaux : ils se déplacent doucement, puis laissant tomber une tige métallique à la verticale, dans le trou ; ils en retirent l’animal qui a refermé ses valves sur la tige. Ce difficile exercice blesse souvent l’animal. Une autre technique consiste à laisser tomber du sel dans le trou. Le mollusque, qui n’apprécie guère ce changement brusque de la salinité, quitte son habitacle pour remonter à la surface. Les échassiers d’hiver En hiver, un grand nombre d’espèces d’échassiers en provenance de l’Arctique visitent la France parce que cette saison y est moins rude. Même lors des hivers les plus rigoureux, les plages de sable ne gèlent jamais. Des milliers d’alouettes hausse-col, de chevaliers et de bécasseaux forment des bandes qui attendent patiemment la marée basse pour aller chercher des crevettes échouées, de petits poissons et des vers, ainsi que de minuscules mollusques enfouis dans les couches supérieures de sable. Des échassiers plus grands tels que les courlis et les barges fouillent le sable en quête de vers marins. Les huîtriers pie fracassent les moules et les coques pour manger leur chair. Les bandes d’échassiers de plusieurs milliers d’individus ressemblent à un nuage de fumée quand elles s’envolent en virevoltant dans les airs. Les herbiers de posidonies Au printemps, la marée descendante révèle parfois un tapis d’algues d’un vert lumineux, avec des thalles pouvant atteindre 50 cm de long et 1 cm de large : les posidomies. Cette algue, occasionnellement appelée “herbe aux anguilles”, est l’une des rares plantes phanérogames (à fleurs) ayant réussi à coloniser la mer. Sa présence dans les eaux superficielles permet à certains animaux de s’établir sur ses thalles et de creuser le sable entre ses racines. L’une des espèces animales le plus fréquemment attachées à ses racines est une anémone pourvue de tentacules verts et pourpres non rétractiles. Une méduse à l’ombrelle fine, la lucernaire, qui, au lieu de se propulser en rejetant l’eau derrière elle. Comme la méduse commune, vit attachée par le sommet de son ombrelle aux thalles des algues, est, elle aussi, un hôte spectaculaire. Chaque plage est un écosystème unique : l’environnement (le biotope) constitué par la nature du sable, celle des vagues, le fait de savoir si les marées basses coïncident avec le moment le plus chaud de la journée et si les marées apportent un plancton riche en larves prêtes à s’installer pour se métamorphoser en adultes sont autant de facteurs affectant la faune et la flore de chaque type de plage. Observez la nature Explorer une plage : Les plages de sable de l’Atlantique forment parfois de grands massifs de dunes qui se déplacent sans cesse (le pila). D’autres forment un cordon appelé “tombolo” qui relie une île au continent (Quiberon, par exemple). Occasionnellement, les sables se transforment à nouveau en roche (cap Fréhel)…. Les mers agitées déplacent quantité de vers marins, de mollusques et autres animaux qui sont normalement enfouis, invisibles, dans le sable. Après une tempête et des marées exceptionnelles, partez à leur recherche. Certaines plages sont de véritables zones de dépôts où l’on trouve toutes sortes de débris marins, surtout après les tempêtes : algues, crabes, souris de mer, (aphrodites), étoiles de mer, crabes masqués etc. La plupart des animaux de la plage ne peuvent être observés vivants qu’à condition de les extraire du sable. Mais, ceci les expose aux prédateurs et souvent, ils ne peuvent retourner assez vite se cacher. Alors Il vaut mieux les laisser en paix.    

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Plages de sable : la vie sous nos pieds

Plages de sable : la vie sous nos pieds

A marée basse, une plage de sable est en apparence une étendue désolée, surtout en hiver. En réalité, elle abrite une multitude d’espèces, enfouies dans le sable et occupant chacune une niche écologique bien spécialisée.   Il est un mammifère célèbre pour ses migrations saisonnières vers les plages. Lors de ces déplacements, les adultes sont accompagnés de leur progéniture. À l’arrivée, toute augmentation du rayonnement solaire les pousse à ôter diverses couches d’isolation thermique et à se précipiter dans l’eau. Cette espèce, c’est l’Homo sapiens et, sur les sites de migration les plus populaires, il n’est pas rare de voir des milliers d’humains déferler sur le sable chaque jour. Ce sol qu’ils piétinent cache un monde dont ils ignorent tout, un monde d’animaux arénicoles (ou “sabulicoles”, c’est-à-dire qui vivent dans le sable). Les signes de vie d’une bonne part de cette faune invisible sont en surface. Les tortillons de sable des arénicoles, ou “vers pêcheurs”, signalent l’entrée de leurs tubes souterrains ; de petits trous indiquent où les couteaux se sont enfoncés et des creux en forme d’étoile marquent le sommet des entonnoirs des spatangues, ces oursins en forme de cœur. Saillant au-dessus du sol, on trouve les sommets irréguliers des tubes de “maçons des sables”, ressemblant à des brosses de peinture malmenées, et parfois les tubes en forme de paille d’autres vers fouisseurs. Sur la grève gisent les coquilles, celles des mollusques bivalves tels les ravissantes praires, les peignes et les couteaux. La famille des annélides (dont le corps est segmenté en anneaux) est particulièrement nombreuse. Le corps des vers comporte une cavité, séparée de l’intestin, remplie d’une substance liquide. Cette caractéristique, associée à leur forme, permet des déplacements par péristaltisme : des ondes de contraction se propagent vers le haut ou vers le bas de leur corps pour le faire avancer, pour fouir le sol ou pour vivre dans un tube. Les vers annélides segmentés (lombrics, néréides et arénicoles) occupent une niche écologique importante dans les sols riches en terreau, en gravier ou en sable. Leur corps est segmenté en anneaux remplissant des fonctions identique chez certaines espèces et distinctes chez d’autres. La traction qui permet à ces invertébrés de se déplacer est assurée par des soies rétractables. Les vers de terre (lombrics) appartiennent à la classe des oligochètes parce qu’ils ne possèdent qu’un petit nombre (oligo) de soies (khaitê en grec). Les arénicoles sont des polychètes parce qu’ils ont beaucoup de soies. Chez certains polychètes, tous les segments sont similaires mais le corps des arénicoles est divisé en zones dont chacune  assume l’une des fonctions vitales : respiration, reproduction et sécrétion. Vivre dans le sable Tous les animaux sabulicoles doivent trouver un moyen d’obtenir de la nourriture et de l’oxygène dans l’eau. Ensuite, ils doivent pouvoir se débarrasser de leurs excrétions sans qu’elles bouchent leur abri. Enfin, ils doivent s’assurer que leur progéniture pourra se frayer un chemin jusqu’à la mer pour répandre l’espèce. C’est pourquoi ils entretiennent tous une communication avec la surface de l’eau, soit en permanence, soit de temps en temps. Cependant , certains de ces canaux de communication ne restent pas ouverts quand la marée est descendante et seuls les sommets affaissés des tubes ou des entonnoirs, comme les dépressions marquant l’emplacement d’un couteau nous apparaissent. Les déjections sableuses des arénicoles trahissent leur présence aux pêcheurs qui les utilisent comme appâts. L’ophiure fouisseuse En creusant le sol, l’ophiure protège son disque central, cependant que les extrémités de quatre de ses cinq bras sont exposés à la surface. Si l’un des bras est abîmé, il est abandonné et un nouveau bras se forme. Mais, le disque n’a pas cette capacité. De minuscules particules de nourriture apportées dans le trou par le courant généré par les bras sont ingérés par une ouverture à travers la face ventrale du disque. Les intestins sont un simple sac où c’est le même orifice qui sert de la bouche et d’anus – les matières indigestes sont repoussées vers l’extérieur de la même façon qu’elles y ont été attirées. Creuser un tube Pour commencer à creuser, l’arénicole utilise une espèce de trompe appelée proboscis (prolongement de leur appareil buccal) pour ramollir le sable sous sa tête ; le couteau se sert de l’extrémité de son pied protubérant tandis que le spatangue emploie des épines situées sur sa face inférieure. Pendant que le sable est saturé en eau, chaque animal s’enfonce juste assez dans le sol pour que le reste de son corps puisse continuer de creuser. Grâce à leur corps lisse, les arénicoles sont des fouisseurs hors pair, car ils peuvent s’étendre et se contracter pour se propulser dans le sable. Ils se construisent un tube en forme de U, perpendiculaire à la surface, sur environ 30 cm de longueur, avant de faire demi-tour et de remonter la même façon, pour former une dépression à la surface, à 10 cm environ de leur point de départ. Ces deux marques sont visibles : les déjections signalent l’entrée du tube et la dépression signale l’autre extrémité. Là où ce ver marin aspirera le sable de la surface et les particules de nourriture. La vie quotidienne de l’arénicole est rythmée par des cycles minutés. Cet annélide se nourrit pendant à peu près sept minutes. Puis, toutes les quarante minutes, il fait, marche, arrière dans son tube pour évacuer le sable et les déchets. Avec la même fréquence, il alterne un cycle de pompage, aspirant de la nourriture et de l’oxygène et faisant le vide dans son trou. Les mollusques bivalves sont également des fouisseurs très experts. Les valves protègent leur corps à la fois de l’abrasion marine et des agressions, leur permettant de survivre à l’action de la mer chargée de débris et, à marée basse, aux jeux des estivants insouciants. Le couteau est un fouisseur spectaculaire. Il est muni d’un pied puissant grâce auquel il se déplace vers le haut ou vers le bas de son trou et se met dans une position telle qu’il peut garder ouvert près de la surface deux siphons verticaux : l’un par où transitent la nourriture et l’oxygène et l’autre par lequel sont évacuées ses déjections. Lorsque l’animal perçoit votre pas, il referme aussitôt sa coquille et se retire plus bas pour se mettre hors de danger, et ce mouvement est souvent accompagné d’un jet d’eau, parfois assez puissant pour vous mouiller le visage. De nombreuses autres variétés de polychètes ont élu domicile sur les plages de sable, creusant pour la plupart des trous temporaires. Mais, il en est un qui fait preuve d’une habileté étonnante à sécréter son tube : c’est le “maçon des sables”. Ce polychète sélectionne chaque grain de sable pour le placer dans la bonne position, d’abord pour construire le tube en tant que tel, ensuite pour coller les grains les uns à la suite des autres en plusieurs cordons afin de réaliser un faisceau de “soies” à l’extrémité supérieure du tube, comme un pinceau de peintre. Ces soies ont pour fonction de retenir prisonniers les micro-organismes constituant le plancton que le ver léchera ensuite avec ses tentacules buccaux. Les tubes sont solides et capables de résister à de nombreux mouvements du sable. Néanmoins, beaucoup de tubes défaits peuvent être observés sur la plage. Les plages de sable bordant les côtes de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord abritent l’un des fouisseurs les plus accomplis, le spatangue, ou “châtaigne de mer”. De forme sphérique, cet échinide qui colonise les rochers n’est pas piquants au toucher, car ses piquants très courts sont le plus souvent aplatis. Organes principaux de fouissement, ces piquants transportent le sable de l’avant vers l’arrière. La liaison avec le sable de surface de même que le ravitaillement est assuré par un ensemble d’organes de locomotion supplémentaires dénommés “gouttières ambulacraires”. Les spatangues vivent à 10 ou 20 centimètres de profondeur et ils projettent leurs tubes ambulacraires très extensibles vers le haut pour creuser une étroite cavité en forme d’entonnoir qui leur permet de maintenir la liaison avec la surface. Au fur et à mesure que la gouttière ambulacraire se déplace vers le haut puis vers le bas, il enduit les parois de la cavité d’un mucus visqueux, qui empêche qu’elles ne s’effondrent. Une fois que l’entonnoir rejoint la surface, les cils recouvrant le corps du spatangue vibrent afin de produire un courant d’eau jusqu’à l’animal. Ce courant est continu, même quand la mer s’est retirée. En effet, de l’eau reste dans le trou, permettant aux gouttières ambulacraires et aux cils vibratiles de maintenir l’entonnoir et le courant descendant.      

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