Le chien et l’adulte

L’entente spontanée qui règne entre l’enfant et le chien devient, avec l’adulte, plus complexe. Le simple amour des animaux n’est pas toujours seul en cause. Le besoin d’une présence animale a souvent pour origine des problèmes socio-psychologiques. Le chien vient alors combler une carence dans la vie de son maître. On a pu ainsi parler de “chiens prétextes” et cerner à quels besoins plus ou moins conscients, ils répondent.

Le “chien-enfant”
Paraît être, de nos jours, extrêmement répandu. Il appartient fréquemment à de jeunes couples qui décident raisonnablement, pour des raisons socio-économiques, de ne pas avoir d’enfant alors qu’au fond d’eux-mêmes, ils souhaiteraient le contraire. Le chiot atténue alors en partie leur frustration. Très gâté, ce chien est réellement assimilé à un bébé, et ce transfert est tel que, si le couple divorce, il s’en dispute la garde jusque devant les tribunaux.

Le “chien-confident”
constitue pour son maître un remède contre l’indifférence des autres. Il a un rôle bien déterminé à jouer auprès des êtres trop sensibles souffrant d’une altération de leur relation avec autrui. Pour eux, il constitue un interlocuteur valable, toujours disposé à les écouter et à leur offrir cette affection sincère qu’ils sont incapables de trouver auprès de leurs semblables. De plus, si le chien suscite des réactions de sympathie des passants lorsqu’on le promène, il donne à son maître l’occasion de contacts extérieurs dont il a besoin sans savoir les provoquer de lui-même.

Le “chien thérapie”
est recommandé par les psychiatres à certaines personnes et notamment aux grands anxieux. Il les aide à maintenir leur équilibre psychique. Il a d’ailleurs été prouvé que des troubles psycho-dépressifs parviennent, sinon à disparaître complètement, du moins à s’atténuer grâce à la présence d’un animal.

Le “chien exutoire”
permet à son maître de reporter sur l’animal ses diverses frustrations, que ces dernières soient superficielles ou graves. Il sert aux faibles à se venger des humiliations subies tout au long de leur existence. En passant sa hargne sur le chien, l’homme souffrant d’un complexe d’infériorité, ou obligé de courber sans cesse l’échine sur le plan professionnel ou familial, manifeste son rejet et son mépris de ce prochain auquel il n’ose faire face. Il a ainsi l’impression de s’affirmer, de donner un sens à sa vie médiocre. À l’extrême, l’animal devient un souffre-douleur, et ce besoin de régler ses comptes par chien interposé peut même déboucher parfois sur des actes de sadisme. Le chien est alors victime de la psychose du maître.

Le “chien-maître”
appartient à des gens momentanément dépourvus de liens affectifs véritables. Toiletté, parfumé, brossé, traité en consommateur privilégié, il concentre sur lui toute l’attention de son maître, jusqu’à le réduire en esclavage.

Le “chien-miroir”
rassure son maître. Peu importe que ce dernier soit beau ou laid, riche ou pauvre, intelligent ou ignare. Il voit dans le regard de son chien le personnage qu’il voudrait être. Et il se projette à un point tel sur son animal que ce dernier finit par réagir comme lui et qu’il arrive à y avoir identification entre les deux.

Le “chien-gadget”
a été acheté le plus souvent sur un coup de cœur sans lendemain pour satisfaire le caprice d’un enfant, affirmer un statut social, ou imiter un voisin, en le surpassant si possible. À moins que, à la suite d’une campagne de presse sur la société protectrice des animaux, il n’ait été adopté dans un refuge. Accueilli au foyer sans véritable amour, il devient vite importun et l’été venu, il ira grossir le lot des animaux abandonnés.